L’emprise dangereuse des vapoteuses

Saveurs sucrées, pression à la conformité, alternative à la cigarette : l’attrait des vapoteuses séduit de plus en plus de jeunes adultes — et des mineur(e)s aussi. Les effets délétères des produits de vapotage sur la santé de ses utilisateurs et de ses utilisatrices sont souvent banalisés, dénoncent des experts et des expertes.

Sophie* vapote depuis qu’elle a 16 ans. L’étudiante à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal estime avoir dépensé au total 400 $ depuis qu’elle a commencé à se procurer des cigarettes électroniques il y a quelques années.

Pour elle, la vapoteuse est un outil accessible, facile d’utilisation et parfois nécessaire. « Dans mes grosses séances d’études, la nicotine fait toujours du bien », notamment pour diminuer son stress et augmenter sa concentration, indique-t-elle.

En période intensive d’examens, Sophie explique que la vapoteuse l’aide à stabiliser sa santé mentale qui est souvent fragile. « C’est une manière toxique de se détendre », admet l’étudiante.

Un fort engouement pour les vapoteuses

Selon Nicholas Chadi, pédiatre et clinicien-chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie, plusieurs raisons poussent les jeunes à commencer à vapoter : « L’attrait des saveurs, le désir d’expérimenter, l’influence des pairs, la réduction du stress… »

Pour Sophie, le fait que « pratiquement tout le monde a une [vapoteuse] » explique sa propre consommation. « Je banalise le fait de fumer la vapoteuse, parce que c’est accessible et j’aime les petites saveurs disponibles », ajoute-t-elle.

Darius, directeur d’une chaîne de magasins vendant des articles de vapotage sur la Rive-Sud, croit que le désir de consommer des cigarettes électroniques naît de l’entourage des jeunes vapoteurs et vapoteuses. « C’est un effet social. Plus il y a de gens qui vapotent dans ton entourage, plus tu as de chance de vapoter. Souvent, un jeune voit un ami vapoter et il va se dire “wow, moi aussi je veux faire ça” », affirme-t-il.D’après Québec sans tabac, « 42,7 % des jeunes de 4e et 5e secondaire ont déjà vapoté ». 

Des conséquences inconnues

Les articles de vapotage sont apparus au début des années 2000. Les principales compagnies les produisant avaient tendance à présenter les vapoteuses comme un outil de cessation de la cigarette ou de réduction des méfaits causés par la cigarette, comme les problèmes respiratoires et les décès prématurés. 

Selon M. Chadi, la nouveauté des produits de vapotage empêche les chercheurs et les chercheuses d’avoir le recul nécessaire pour rendre concluantes leurs études sur les conséquences à long terme du vapotage.

Les recherches actuelles montrent cependant plusieurs conséquences négatives au vapotage. « L’utilisation des produits de vapotage peut mener entre autres à la dépendance à la nicotine […] et elle peut affecter la santé des poumons, par exemple en augmentant la toux, ou en empirant des maladies comme l’asthme ou la bronchite », explique le pédiatre.

 Sophie sait que la consommation d’articles de vapotage est nocive pour elle. « Parce qu’il n’y a pas encore d’études sur les conséquences à long terme , ça crée une dissonance cognitive, vu que nous ne connaissons pas les impacts que ça a sur notre corps. Je vis dans le déni », admet la consommatrice.

Malgré ses préoccupations pour sa santé, Sophie continue à fumer la cigarette électronique. Elle compte toutefois arrêter éventuellement. « Je suis consciente que ça va être important de le faire », affirme-t-elle.

Renverser la tendance

Au cours des dernières années, plusieurs mesures ont été mises en place par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada afin de diminuer la consommation d’articles de vapotage des jeunes. Une taxe de 1 $ par 2 mL de nicotine est imposée au Québec et les limites de concentration en nicotine sont fixées à 20 mg/mL. Auparavant, des produits de vapotage ayant une concentration en nicotine pouvant aller jusqu’à 66 mg/mL étaient autorisés.

D’après Darius, renverser les tendances de vapotage des jeunes est une tâche difficile. « Souvent, la dépendance est déjà présente. Je ne vois pas une énorme baisse des ventes depuis [l’instauration des nouvelles mesures] », stipule-t-il.

Il explique aussi qu’il voit quelquefois des parents acheter des vapoteuses pour leurs jeunes. Ce phénomène inquiète Nicholas Chadi. « Même si les jeunes de moins de 18 ans ne devraient pas pouvoir se procurer des produits de vapotage, plusieurs réussissent quand même à le faire. Il est très important de continuer le travail d’éducation et de sensibilisation des jeunes par rapport aux risques liés au vapotage », conclut le clinicien-chercheur.

*Prénom fictif afin de conserver l’anonymat 

Mention photo : Lucie Parmentier | Montréal Campus

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