Personnes enseignantes autochtones : encore un fossé à franchir

Le manque de professeur(e)s et de chargé(e)s de cours issu(e)s des Premières Nations saute aux yeux à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et ce, même dans le programme en études autochtones. La racine de ce problème se situe non seulement dans le processus d’embauche de l’université, mais aussi dans des enjeux d’accès aux études supérieures pour les personnes issues des Premières Nations.

L’UQAM est l’une des seules universités dans la province offrant un programme court de premier cycle en études autochtones. Parmi les personnes enseignant le cours obligatoire de ce programme, Introduction aux mondes autochtones, deux sur quatre sont d’origine autochtone.

Du côté des ressources humaines de l’université, aucune mesure spécifique ne favorise l’accessibilité aux postes et l’inclusion des personnes autochtones.

« En vertu des dispositions des conventions collectives des deux syndicats [celui des professeures et des professeurs ainsi que celui des professeures et des professeurs enseignants], il n’y a pas d’exigence qu’une personne soit issue des Premières Nations pour être embauchée comme enseignante », indique la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers. Elle mentionne que les qualifications requises pour être professeur(e) ou chargé(e) de cours ne dépendent pas de la nationalité de la personne, mais bien de ses compétences.

Entre inclusion et normes institutionnelles

Le cas de Cyndy Wylde, révélé en 2020 dans un article de Radio-Canada, a montré que la volonté de diversifier le corps professoral de l’UQAM se heurte aux critères d’embauche stricts de l’université. La chargée de cours Atikamekw et Anichinabée, qui enseignait le cours Femmes autochtones du Québec (donné par la Faculté de science politique), a quitté ses fonctions en 2020.

Doctorante en études autochtones et diplômée d’une maîtrise en enseignement, Mme Wylde s’est vu refuser la reconnaissance de ses compétences par l’UQAM, sous prétexte qu’elle ne possédait pas la formation nécessaire, soit une maîtrise en science politique.

La sortie publique de Cyndy Wylde à la suite de sa démission a soulevé des questions chez certains membres du corps professoral et de la communauté étudiante quant à la place donnée aux personnes issues des Premières Nations dans le milieu de l’enseignement.

Une disparité qui vient de loin

Le manque de personnel issu des Premières Nations ne peut pas être rétabli « en un coup de baguette magique », croit le directeur du programme en études autochtones, Laurent Jérôme.

Selon lui, « quand on parle de problèmes de professeurs autochtones à l’UQAM, on commence à s’intéresser à un enjeu extrêmement profond, parce qu’il faut remonter jusqu’aux études secondaires. » Le manque de personnes enseignantes issues des communautés autochtones peut être expliqué par le faible taux de graduation et le décrochage scolaire des étudiants et étudiantes dans les réserves, souligne M. Jérôme.

Il faut d’abord se demander comment faciliter l’accès aux études collégiales et universitaires pour les jeunes Autochtones afin de voir une évolution dans cette disparité, plaide-t-il.

Le professeur estime que les personnes autochtones qualifiées pour l’enseignement sont souvent en forte demande, puisqu’elles sont peu nombreuses.

Vers plus d’accessibilité

« Les universités ont été créées par l’État canadien et la nation québécoise, c’est donc clair que c’est une institution issue de la colonisation », affirme le coordonnateur du Cercle des Premières Nations de l’UQAM (CPN), Gustavo Zamora Jiménez. D’après ce dernier, les pratiques d’embauche sont pensées de manière à prioriser les personnes non-autochtones. Tel qu’expliqué par M. Jérôme, il est plus difficile pour une personne autochtone d’intégrer nos universités, puisque le pont entre les réserves et les hautes études n’est pas entièrement créé.

En 2021, l’UQAM a publié un plan d’action pour favoriser un rapprochement avec les personnes autochtones au sein de l’université. Ce plan est le fruit d’une collaboration entre le CPN, les ressources humaines de l’UQAM et la rectrice, Magda Fusaro.

« Dans le plan d’action, on veut favoriser l’embauche d’au moins sept personnes autochtones dans les membres du personnel entre décembre 2020 et décembre 2023 », déclare M. Jiménez. Le plan d’action est conçu sur le court terme, celui-ci s’échelonnant de 2021 à 2026. Selon lui, « le plan est réalisable si la volonté de l’administration est là. » M. Jiménez souligne que les rencontres des sous-comités chargés d’exécuter les différents objectifs du plan « viennent tout juste de commencer ». Difficile, pour l’instant, d’évaluer si elles seront concluantes.

Mention photo : Lucie Parmentier|Montréal Campus

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *