OnlyFans comme galerie d’arts virtuels

D’artistes visuel(le)s à musicien(ne)s, plusieurs se tournent vers OnlyFans pour vendre et promouvoir leurs œuvres. Le Montréal Campus plonge au cœur de ce réseau social popularisé par son contenu à caractère sexuel pour comprendre ce qu’il a à offrir au milieu des arts.

Depuis sa création en 2016, OnlyFans permet à divers artistes de publier du contenu exclusif. L’auditoire débourse ensuite le montant d’argent demandé par son créateur ou sa créatrice pour y avoir accès. Si les travailleurs et les travailleuses du sexe se sont approprié(e)s ce réseau social, il se destine initialement à promouvoir du contenu de tout genre. La simplicité du site web, la commission demandée de seulement 20 % et le faible niveau de censure expliquent en partie cet engouement.

« C’est une plateforme qui offre plusieurs options qui permettent d’user de créativité de différentes façons », souligne Ariel Rebel, une artiste québécoise qui utilise OnlyFans depuis maintenant quatre ans. Reconnue pour son contenu érotique, elle s’est également mise à peindre durant la pandémie. En plus de vendre ses toiles sur Etsy, un site de vente en ligne spécialisé dans les créations personnelles, elle peint aussi en direct sur son compte OnlyFans.

Sortir des sentiers battus

Tobias Chung, un photographe et vidéaste de voyage qui montre son travail sur OnlyFans, pense que ce réseau social est une bonne option pour sortir des sentiers battus. « J’avais l’impression que d’autres réseaux sociaux comme Youtube étaient trop saturés pour y faire une nouvelle chaîne, [tandis] qu’OnlyFans était de plus en plus populaire », évoque-t-il.

Les artistes rejoignent aussi un public plus varié grâce à cette plateforme, remarque Nicole Russin-McFarland. L’artiste multidisciplinaire a eu un compte sur ce réseau social durant six mois. OnlyFans a été pour elle un tremplin vers le monde du cinéma, lui permettant notamment de recevoir des offres d’auditions pour divers films. « En tant que cinéaste, je voulais rejoindre des gens qui sont généralement exclus de l’élitisme des arts de performance », énonce-t-elle.

Vivre de son art sur OnlyFans

Naïla Rabel, connue sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de « La grosse qui fait des vidéos », publie sur OnlyFans de la photographie boudoir et des vidéos érotiques sur demande. La modèle explique que ce n’est pas un site de vente traditionnel. « Tu ne mets pas les items que tu désires dans un panier. Par exemple, pour acheter une œuvre, tu dois donner un pourboire à l’artiste durant une vidéo et il ou elle va te l’envoyer par ses propres moyens », illustre-t-elle.

Ariel Rebel détaille que les gains financiers qu’elle fait pour ses toiles se divisent entre les frais mensuels que payent ses abonné(e)s, le pourboire qu’elle reçoit dans ses vidéos en direct et ses ventes sur Etsy. « J’ai fait de bons revenus avec ma peinture, soit environ 4000 $ [au total] depuis que j’ai commencé, mais c’est officiel que ma notoriété est déjà bâtie avec [le contenu pour adultes] qui aide beaucoup », admet-elle.

Tobias Chung, pour sa part, vend rarement son travail sur OnlyFans. Il en fait une utilisation plus axée vers le partage et la promotion de son art. « Je crois fermement qu’il est possible d’en vivre à 100 %. Ça dépend seulement de l’effort et du temps qu’on y investit », affirme-t-il tout de même, en ajoutant que diversifier ses plateformes est une option à privilégier.

L’entreprise basée au Royaume-Uni a aussi débloqué un fonds créatif de 100 000 $ afin d’aider les artistes à propulser leur carrière. Pour sa première édition en 2021, OnlyFans cernera quatre talents de la scène musicale britannique à récompenser.

L’art de faire sa promotion

Si générer des revenus sur OnlyFans peut sembler simple, un grand travail de marketing se cache derrière les comptes qui y prospèrent. « C’est vraiment difficile de s’y faire découvrir, parce qu’il n’y a pas de pages promotionnelles », mentionne Ariel Rebel. Les artistes doivent alors faire leur propre promotion pour attirer des abonné(e)s vers leur compte, en se bâtissant une communauté d’admirateurs et d’admiratrices sur d’autres réseaux sociaux s’ils et elles ne sont pas déjà connu(e)s.

Outre cette contrainte de visibilité, Tobias Chung réalise que la plupart des utilisateurs et utilisatrices d’OnlyFans ne sont pas à la recherche du type d’art qu’il propose. « En raison de la nature de la plateforme, ça peut être difficile de créer de vraies connexions. Il y a un grand nombre de personnes qui cherchent seulement du contenu [adulte] », déplore-t-il.

Si les artistes ont le champ libre pour publier du contenu à caractère sexuel, Naïla Rabel rappelle que la censure reste présente à certains niveaux. L’action de fumer, la présence de sang et le contenu aux caractères violent et discriminatoire sont, entre autres, inacceptables sur la plateforme.

Naïla Rabel pense que certains types d’art se prêtent plus à OnlyFans. « Ça peut être très avantageux [de] vendre de l’art érotique. S’il n’y a pas de nudité ou de sexualité, les gens peuvent aller l’acheter sur un site web où l’on n’a pas à donner de commission », note-t-elle.

Cependant, Nicole Russin-McFarland ne croit pas que les œuvres proposées sur cette plateforme doivent être érotiques pour intéresser les consommateurs et les consommatrices. « Mon compte n’était aucunement sexy, et la façon dont j’en ai fait la promotion m’a tout de même permis de faire des rencontres positives », dit-elle.

Ariel Rebel décrit sa clientèle comme étant très diversifiée, réel miroir de la société. « L’art rejoint tout le monde. […] Il y a des couples, des femmes seules, des hommes seuls, des jeunes, des personnes âgées, etc. », énumère-t-elle. Selon elle, si les créateurs et les créatrices de contenu sont passionné(e)s et fier(ère)s de leur travail artistique, ils et elles trouveront une belle vitrine pour l’exposer sur OnlyFans.

Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

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