Le déclin de l’empire uqamien

Si la majorité des universités au Québec ont connu une hausse d’inscriptions cet automne, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) fait exception à la règle : elle enregistre une baisse de 8 % d’inscriptions au premier cycle. Plusieurs raisons, dont l’enseignement à distance, pourraient expliquer cette chute.

Comme l’indique le directeur du Bureau d’évaluation et d’analyses financières de l’UQAM, Antoine Goutier, l’Université a connu une hausse importante d’inscriptions au premier cycle dans les programmes « près du marché du travail » l’an dernier. « Durant une situation économique difficile, les gens ont tendance à retourner aux études pour se perfectionner et l’UQAM est historiquement plus sensible que d’autres établissements à ce type de phénomène », explique-t-il.

Ainsi, plusieurs étudiants et étudiantes inscrit(e)s dans les programmes en administration ou encore dans les certificats seraient retourné(e)s sur le marché du travail cette année. En effet, selon les chiffres de l’UQAM, la cohorte de l’an dernier a quitté l’Université de manière plus importante que les autres. Bien que ce phénomène ne soit pas propre à l’UQAM, elle est plus touchée que les autres universités.

Ces étudiants et ces étudiantes devraient toutefois se réinscrire au cours des prochaines sessions, d’après M. Goutier. D’ailleurs, davantage de personnes ont demandé des reports d’admission.

Il reste que certaines facultés ont été moins affectées par la baisse d’inscriptions, comme celles de communication, d’éducation et de sexologie.

Une année en ligne mal vécue

Si des étudiants et des étudiantes sont retourné(e)s sur le marché du travail, d’autres, comme Rosalie Charbonneau, ont quitté l’UQAM pour aller dans une autre université en raison de l’enseignement reçu l’année dernière. Elle étudie désormais en droit à l’Université de Montréal (UdeM).

Elle a pu constater qu’elle n’est pas la seule à avoir eu cette envie. « Dans un groupe Facebook, quelqu’un avait demandé la Cote Z [nécessaire] pour être transféré de l’UQAM à l’UdeM en droit et j’avais répondu. Après, quatre personnes m’avaient envoyé des messages privés pour me demander plus d’infos », se remémore-t-elle.

Antoine Goutier croit que d’autres membres de la communauté étudiante ont retardé leur parcours en raison de l’épuisement lié à l’enseignement à distance. De mauvaises expériences vécues lors des quatre sessions en ligne ont pu amplifier la baisse d’inscriptions cet automne, malgré le retour en présentiel.

« Les cours donnés en ligne n’étaient pas de qualité. […] Un cours en ligne devrait être scénarisé : les examens, les exercices et la façon dont la matière est enseignée sont prévus en fonction, [mais] ça coûte plus de ressources », explique Olivier Aubry, président du Syndicat des professeures et des professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM).

Ce dernier, qui est aussi chargé de cours au Département de sciences biologiques, souligne que les cours magistraux en ligne requièrent une attention assidue et ainsi, le mode d’apprentissage doit s’adapter en étant, par exemple, plus participatif ou plus dynamique.

Selon lui, l’UQAM doit avoir « une vision sur le développement de l’enseignement en ligne » pour assurer une meilleure qualité des cours offerts, comme c’est le cas dans d’autres universités.

D’ailleurs, des universités qui offraient déjà des cours en ligne avant la pandémie n’ont pas eu de baisse de leur effectif étudiant. « L’Université TÉLUQ a connu une augmentation au premier cycle de 18 % cette année et les universités [comme l’Université Laval et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue] qui ont misé sur les cours en ligne ont aussi connu une hausse d’inscriptions », souligne Antoine Goutier.

Impacts sur la communauté étudiante

Les études aux deuxième et troisième cycles sont épargnées, et leurs inscriptions sont même en hausse. Cependant, celles-ci ne peuvent pas compenser les impacts considérables de la baisse de l’effectif étudiant dans les programmes de premier cycle sur les revenus de l’UQAM ─ les universités sont en partie financées en fonction de leur nombre d’étudiant(e)s en équivalence au temps plein.

L’administration de l’UQAM soutient que les conditions d’enseignement et d’apprentissage devraient rester les mêmes. Selon Antoine Goutier, la direction ne souhaite pas faire de coupes à court terme et veut prendre en considération les suggestions d’initiatives de la communauté étudiante pour améliorer la qualité de l’enseignement.

Le président du SPPEUQAM, Olivier Aubry, craint tout de même une dynamique d’austérité au sein de l’Université, qui pourrait vouloir réduire ses coûts en augmentant le nombre d’étudiants et d’étudiantes dans les classes, notamment. L’administration prévoit que la moyenne d’étudiant(e)s par cours sera équivalente à celle des années antérieures pour la session d’hiver à venir.

Cependant, pour M. Aubry, une perte de diversité de cours est à prévoir lors des prochaines sessions. Le manque de personnes intéressées pourrait empêcher la tenue de cours optionnels et certains cours bisannuels ne pourraient être disponibles qu’une fois par année.

À la quête de recrues

Face à cette baisse d’inscriptions, la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers, indique que le recrutement s’avère d’autant plus important. Les portes ouvertes hybrides de cette année auraient connu un record de participation. L’UQAM a aussi lancé une campagne publicitaire intitulée Au centre de tout, qui la promeut au collégial.

Si l’UQAM ne peut compétitionner avec ses adversaires, comme l’Université de Montréal et l’Université McGill, elle doit miser sur les forces de certaines de ses facultés et arrêter de se comparer aux autres universités pour attirer les futur(e)s étudiant(e)s, selon Olivier Aubry.

Créée il y a un demi-siècle, l’UQAM avait comme vocation initiale l’accession aux études supérieures des jeunes issu(e)s des classes francophones populaires, dont les parents étaient peu éduqués.

Aux yeux d’Antoine Goutier, la mission d’accessibilité demeure au cœur de l’Université. « Je ne pense pas que l’UQAM changera sa vocation, mais elle peut ouvrir ses horizons », renchérit-il.

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

Commentaires

2 réponses à “Le déclin de l’empire uqamien”

  1. Avatar de Laurent Desbois
    Laurent Desbois

    Quelle perte!

    Curieux qu’on ne soupçonne pas la main-mise des WOKES du Plateau.

  2. Effectivement, l’UQAM doit se metre au goût du jour. J’ai moi-même pensé à changer d’école car l’UQAM n’offre que très peu de cours en ligne. La réalité n’est pas la même pour tous. Je travaille 40 heures par semaine et j’habite à 1h00 de voiture de l’université. Pour moi l’enseignement en ligne est définitivement la solution. Il est possible de faire ses examens en classe et de faire les cours en lignes afin de limiter la triche. Bref pour ma part après un an et demi de session en ligne je peux dire que l’enseignement reçu fut de grande qualité et je suis de ceux qui aimerait qu’une plage horaire de soir à distance soit ouverte pour donner la chance aux travailleurs de prendre plusieurs cours comme les autres universités. C’est l’avenir

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