Au fur et à mesure que les mœurs changent, de plus en plus de jeunes remettent en question le modèle du couple monogame traditionnel ; certain(e)s explorent les relations polyamoureuses.
Léa Séguin, doctorante en sexologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et collaboratrice au Club Sexu, un média spécialisé en sexualité positive, définit le polyamour comme étant « une relation dans laquelle tous les partenaires sont ouverts à avoir des relations amoureuses et/ou sexuelles avec d’autres personnes ».
Elle précise que la forme de relation polyamoureuse la plus répandue est celle en « V », c’est-à-dire une personne qui a deux partenaires sans que ceux-ci soient en relation amoureuse ensemble. Toutefois, il est à noter que le polyamour peut prendre plusieurs formes. Le consentement éclairé de tous et de toutes les partenaires reste cependant un élément indispensable dans ce type de relation.
« Un déclic »
Pour Yannick Laterreur, la découverte du polyamour a été « un déclic », après qu’il ait vécu une relation monogame pendant dix ans. Pour l’étudiant au baccalauréat en sexologie à l’UQAM, le polyamour lui a permis de « redéfinir [ce qu’est] aimer ». Ce type d’amour est pour lui « très libre de contraintes » et s’inscrit dans un état d’esprit de « non possessivité ». Il précise que ses relations avec ses différent(e)s partenaires ne sont pas que sexuelles. En effet, une grande amitié les lie les un(e)s aux autres. Ils et elles font souvent des activités ensemble.
L’une de ses partenaires, Audrey Querin-Laporte, étudiante au baccalauréat en travail social à l’UQAM, explique que le polyamour peut être vécu de différentes façons. Il et elle pratiquent pour leur part le polyamour « non hiérarchique ». Audrey Querin-Laporte précise que, dans leur relation, il n’y a pas un ou une partenaire qui est plus important(e) que les autres. « Les besoins de tout le monde sont considérés de manière égale », précise-t-elle.
Un modèle dépassé ?
Selon Milaine Alarie, chercheuse et professeure associée à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), un quart des personnes âgées de 20 à 39 ans aurait vécu une relation non monogame consensuelle.
Stéphanie Pache, professeure en sociologie du genre et de la sexualité au département de sociologie de l’UQAM, explique qu’il y a plusieurs raisons à ce changement de paradigme en amour. Selon elle, les individus d’aujourd’hui entrent en relation amoureuse pour des raisons différentes de celles du passé. Auparavant, les gens formaient un couple pour des raisons économiques, notamment pour fonder une famille à laquelle léguer son patrimoine.
Les mœurs ont changé : les couples se forment en fonction des affinités, de la sexualité et de l’idéal romantique de chacun(e). « Il s’agit de trouver un(e) partenaire et d’avoir une relation épanouissante où l’on peut se développer. On parle aussi de relation saine […], une série de qualificatifs qui [n’avaient] probablement aucun sens il y a quelques siècles », explique la professeure. « Maintenant, on est en couple parce qu’on s’aime […], pas par nécessité ou par structure sociale, c’est vraiment par désir », ajoute Léa Séguin. Cette nouvelle tendance s’inscrit aussi dans des valeurs plus contemporaines, telles que la déconstruction de l’hétéronormativité, entourant les mouvements féministes et LGBTQ+. « On se rend compte qu’on peut faire ce qu’on veut, on n’est pas limités », résume-t-elle.
« Je ne ferais jamais ça »
La communauté polyamoureuse fait face à plusieurs préjugés quant à son mode de vie encore méconnu. Certaines personnes pensent, par exemple, que ce genre de relation est voué à l’échec, car la jalousie finira toujours pas l’emporter. Il s’agit d’un mythe, selon Léa Séguin, qui précise que la jalousie existe aussi dans les relations monogames. Les adeptes du polyamour perçoivent plutôt la jalousie comme une opportunité de comprendre quel besoin n’a pas été comblé dans la relation.
Pour sa part, Yannick Laterreur remarque qu’encore aujourd’hui, la communauté polyamoureuse vit de la stigmatisation. Il prétend que, sans être méchantes, certaines personnes vont lui dire des choses comme « moi je ne ferais jamais ça », ou encore « ça doit être compliqué ». Quant à elle, Audrey Querin-Laporte se réjouit lorsqu’il y a des gens qui s’intéressent à son expérience. « J’ai du plaisir à faire de la sensibilisation », affirme-t-elle.
« C’est un mode alternatif de relation qui n’est pas encore assez connu », conclut Yannick, et qui, selon la communauté polyamoureuse, gagnerait à l’être.
Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus
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