Aller à l’université, une première dans la famille

Les étudiant(e)s de première génération composent environ 50 % du bassin étudiant du réseau des Universités du Québec. Ces jeunes (et moins jeunes) font face à divers enjeux académiques et financiers.

Selon le professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Pierre Doray, il y a deux catégories d’étudiant(e)s de première génération (EPG) : ceux et celles dont les parents n’ont aucune expérience avec l’enseignement supérieur, que ce soit au niveau collégial ou universitaire, et ceux et celles dont les parents ne sont simplement pas allés à l’université. Les deux catégories d’étudiant(e)s de première génération font cependant face à des défis similaires tout au long de leur parcours académique.

« C’était même pas une question pour moi »

Si plusieurs études démontrent l’impact de la scolarisation des parents sur le parcours scolaire de leurs enfants, les étudiant(e)s rencontré(e)s par le Montréal Campus ne semblent pas avoir été affecté(e)s négativement par leur situation.

« J’ai toujours pensé que j’allais [aller] à l’université, c’était même pas une question pour moi », affirme d’emblée Roxanne Landry, étudiante de deuxième année au baccalauréat en administration dans la concentration gestion internationale à l’UQAM. Si ses parents ne lui ont jamais mis de pression durant ses études, c’est l’étudiante elle-même qui se l’est imposée. « Je suis une personne super performante, qui se met beaucoup de pression », explique-t-elle.

Pour Roxanne, être une étudiante de première génération n’affecte pas sa motivation ou ses performances académiques. Toutefois, elle explique que ses parents ne sont pas toujours conscients des défis auxquels elle fait face et de la charge de travail qui l’accompagne. « L’université c’est pas le secondaire, on a vraiment beaucoup de choses à faire et j’aime m’impliquer dans la vie scolaire, mais ils ne comprennent pas, ils pensent que je fais juste le party », déplore l’étudiante.

Tout comme Roxanne, Donovan Girard se sent soutenu et motivé dans son parcours académique, malgré le fait qu’il soit le premier de sa famille à accéder aux études supérieures. Originaire de Rouyn-Noranda, l’étudiant au baccalauréat en kinésiologie à l’UQAM est très reconnaissant de l’aide que sa mère lui procure. « Elle m’appelle pas mal chaque soir pour se renseigner ou m’aider », se réjouit-il. Par contre, pas question pour Donovan de devenir prétentieux pour autant. « Mettons que quand je vais avoir mon diplôme, je ne vais pas me dire “wow, je suis supérieur” », dit-il en riant.

Un automatisme

« Dans le contexte de la Révolution tranquille, de la réforme de l’éducation, il y a eu vraiment un mouvement social pour aller à l’université », explique M. Doray. Cette époque a également marqué le mouvement d’émancipation des femmes dans la société. Selon le sociologue, les mères de famille incitaient beaucoup leurs jeunes filles à poursuivre des études supérieures pour avoir un revenu stable afin de ne pas dépendre financièrement de leur partenaire. Il précise qu’aujourd’hui, le fait d’aller à l’université relève plutôt d’un automatisme pour la plupart des jeunes. « Cette espèce d’entrain a un peu diminué, même si la croissance des universités a continué à augmenter », explique-t-il. 

Pierre Doray explique que les étudiant(e)s de première génération sont dans des situations plus précaires financièrement que les autres. « C’est sûr que ces gens-là vont se retrouver probablement avec des dettes plus élevées, parce qu’au Canada, on prête avant de donner des bourses », avance-t-il. Une réalité à laquelle Donovan Girard et Roxanne Landry n’ont pas à faire face, puisque les deux étudiant(e)s se font aider financièrement par leurs parents.

Moins bien préparés, les EPG?

Selon M. Doray, les étudiant(e)s de première génération sont moins bien préparé(e)s pour aller à l’université. « Ils savent moins ou pas comment l’université marche. La rupture, la transition est plus forte », affirme le sociologue. Il explique qu’aux États-Unis, certaines universités ont créé des programmes d’aide, qui se tenaient durant l’été, afin de préparer les étudiant(e)s de première génération à bien amorcer leur transition du collège vers l’université.

Ce genre de programme n’existe pas à l’UQAM, selon le professeur. Toutefois, il avance que « les étudiant(e)s qui utilisent les services d’aide sont plus nombreux à être des étudiant(e)s de première génération », une hypothèse qui reste à confirmer, nuance-t-il.

Malgré les enjeux auxquels ils et elles font face, les étudiant(e)s de première génération sont tout aussi motivé(e)s à réussir que les autres. « C’est pas parce que j’ai pas eu de modèle que je vais moins performer », conclut fièrement Donovan Girard.

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

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