Francine Descarries au front pour le féminisme

Experte de l’histoire du mouvement des femmes, des discours féministes contemporains et des rapports maternité-famille-travail, Francine Descarries milite depuis plus de quarante ans pour la légitimité scientifique des savoirs féministes dans le milieu universitaire.

Après avoir mis sur pied le premier cours de sociologie de la condition des femmes à l’Université de Montréal en 1978, Mme Descarries a plus tard marqué le paysage féministe québécois en fondant, avec ses collègues, le Réseau québécois en études féministes (RéQEF) en 2011. Sa mission : renforcer les capacités de recherche dans les études féministes et de genre sur l’ensemble du territoire québécois.

« Aujourd’hui, c’est un réseau qui permet la collaboration de 100 professeur(e)s universitaires issu(e)s de 11 universités différentes, ce qui amène un pouvoir considérable dans le milieu de la recherche en sociologie. Le RéQEF est là pour rallier les universités à grands et petits moyens, toutes unies pour aller plus loin dans la recherche féministe », a expliqué Mme Descarries lors du colloque virtuel « Francine Descarries : figure de proue du féminisme québécois », organisé par le Réseau québécois en études féministes (RéQEF) les 21 et 22 octobre dernier. Cet événement a rendu hommage à la professeure en sociologie à l’UQAM qui a contribué, au cours de sa carrière, à développer les études féministes au Québec.

Catherine Desrivières, ancienne étudiante de Mme Descarries, puis collègue pendant 15 ans, décrit la sociologue comme une personne sur qui l’on peut compter, mais surtout quelqu’un qui rallie les personnes, notamment par le biais du RéQEF. « Le RéQEF, c’est le rassemblement de toutes les tendances du féminisme ensemble, tous les départements avec tous les différents mouvements étudiants réunis ensemble dans une seule mission », évoque-t-elle.

Bousculer l’ordre établi

« J’ai eu une sorte de déclic féministe dans ma vie à la suite d’une observation sociale du milieu qui m’entourait et de mes expériences personnelles », relate Francine Descarries. C’est l’inégale répartition de l’espace de parole et de pouvoir entre les hommes et les femmes qui l’a poussé à vouloir bousculer l’ordre établi.

Issue d’une éducation traditionnelle, elle était destinée à un rôle de ménagère. À 27 ans, celle qui « en veut plus » retourne au cégep, puis complète un baccalauréat en sociologie à l’Université de Montréal. Elle sera embauchée en 1986 comme professeure de sociologie à l’UQAM. À cette époque, « l’UQAM était déjà prête à se battre pour la diversité sociale et le combat féministe, plus que la plupart des autres universités. Il y avait des choses à changer, des choses qui n’allaient pas, mais moins qu’ailleurs », énonce Mme Descarries.

Dans les années 1980, les femmes commençaient à avoir plus de choix quant à leurs études et plus de représentations au sein des classes universitaires. Toutefois, les inégalités entre les deux sexes persistaient.

Mme Descarries se rendra compte de ces inégalités encore de nombreuses fois dans sa vie de professeure et chercheuse. Elle a souvent eu le sentiment d’être « la féministe de service, celle qui devait dire les choses », évoque-t-elle. Lors des sessions de recherche en sociologie, elle rappelait aux autres chercheurs et chercheuses de penser aux femmes et de s’intéresser à la pensée féministe. Parfois, ce rôle était lourd à porter, témoigne-t-elle.

Une accompagnante hors du commun

« Une de mes plus grandes fiertés, c’est d’abord le succès de mes étudiantes. La gratification personnelle que je ressens passe par le fait qu’elles deviennent des savantes à part entière et qu’elles possèdent cette volonté féministe de transformer le monde pour moi », se réjouit Mme Descarries. Ce respect et cette admiration sont réciproques entre la professeure et ses étudiantes.

Mélissa Blais, ancienne étudiante de Mme Descarries, souligne que celle-ci « part du besoin de ses étudiantes pour leur apporter un soutien émotionnel et professionnel fort et durable [durant] des années ». Francine Descarries a également été la directrice de la thèse de Mélissa Blais ; elle évoque de son ancienne étudiante « une accompagnante hors du commun ».

Quant à Laurie Gagnon-Bouchard, membre de l’équipe de coordination du RéQEF, elle mentionne une femme incarnant un équilibre parfait : elle est inspirante, accessible, chaleureuse et surtout très rigoureuse dans son travail. « Ce qui est impressionnant chez Francine, c’est qu’après tout ce qu’elle a fait, on pourrait imaginer qu’elle déléguerait beaucoup, mais non. Elle continue de travailler dur et passionnément, c’est une personne très déterminée », partage-t-elle.

Mme Descarries se dit prête à persévérer pour rassembler le plus de personnes dans un féminisme aux différents visages. « Le plus important dans toutes ces variations de féminisme, c’est la reconnaissance d’un rapport de pouvoir […] entre les deux sexes et de toujours essayer d’amener une plus grande justice sociale en passant par la sociologie », conclut-elle.

Photo fournie par Francine Descarries

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