Vers Solitaire : nos obsessions parasitaires

La compagnie de théâtre L’Activité présente du 5 au 30 octobre une seconde édition de Vers Solitaire, un spectacle théâtral déambulatoire au cœur du centre-ville de Montréal. À ceux et celles qui voudront se prêter au jeu, le directeur artistique et auteur Olivier Choinière offre une expérience immersive, loufoque, et éminemment singulière.

Sur un trottoir de la rue Mayor, le monde réel s’arrête et l’univers de Vers Solitaire commence. Dans cette « déambulation sonore », le centre-ville devient un théâtre où le spectateur ou la spectatrice est invité(e), seul(e), à suivre un hôte ou une hôtesse qui lui sert de guide durant le parcours. Pendant une heure, il ou elle arpente la ville à la marche en suivant ce personnage étrange qui deviendra son seul point de repère.

Une trame sonore composée d’un mélange de sons et de dialogues accompagne la déambulation, diffusée par un casque d’écoute fourni par l’Activité. Seul(e) derrière notre hôte ou hôtesse, il devient facile de se laisser emporter. Les rues et les édifices se transforment alors en décor, et les passant(e)s deviennent des figurant(e)s à leur insu.

Pour Olivier Choinière, ce projet est né d’une envie de repenser le théâtre dans d’autres espaces que la scène, et d’explorer la capacité des sons à évoquer et à transformer la réalité. « J‘ai remarqué qu’on est vraiment poreux aux sons, ils forment un filtre de couleur qui s’applique sur notre environnement », dit-il.

La consommation comme point central

La trame est peuplée de bribes de conversations enregistrées par Olivier Choinière dans des marchés, dans des centres commerciaux et dans les rues. Ces fragments se répètent, s’amalgament et mutent au fil de la déambulation, mais ils sont reliés par un même thème: la consommation.

Dans nos oreilles, l’argent est évoqué à répétition et se reflète dans les lieux où nous mène notre hôte, notamment le Complexe Desjardins, le Palais des Congrès et le luxueux Hôtel Intercontinental. Avec cette mise en scène, il est alors difficile de ne pas poser un regard cynique sur ces lieux, dont le caractère décadent est mis en relief par la bande sonore.

Tout au long du parcours, notre hôte ou hôtesse semble de plus en plus troublé(e) et hanté(e) par ces thèmes. Il ou elle se met à parler tout(e) seul(e), parfois même pris(e) de spasmes, sous le regard troublé des passant(e)s. Après le malaise initial que cela pose, le spectateur ou la spectatrice finit toutefois par s’habituer, et il devient presque drôle de voir l’incompréhension des gens aux alentours, qui ignorent qu’ils assistent à une pièce de théâtre. Cette complicité que partagent l’hôte ou l’hôtesse et le spectateur ou la spectatrice fait de la déambulation une expérience étrangement intime.

Le directeur artistique explique que c’est en prêtant l’oreille aux conversations des passant(e)s dans la rue que l’idée de Vers Solitaire lui est venue. « Tout le monde me semblait obsédé par les mêmes questions : qu’est-ce qu’on mange?, qu’est-ce qu’on achète?, combien ça coûte? […], le fil conducteur des conversations que j‘entendais, c’était la consommation avec un grand C », illustre-t-il.

Le « vers solitaire », pour Olivier Choinière, c’est ce discours ambiant, cette pensée parasitaire qui nous habite, qui croît à mesure que nous consommons. La déambulation se veut donc comme une critique de la société de consommation, de la façon dont elle s’immisce dans nos esprits et s’imbrique dans notre environnement. Un défi relevé, autant grâce à la trame sonore immersive qu’au jeu désinhibé de l’hôte ou l’hôtesse.

Embrasser l’imprévisible

Pour cette production, quatre metteurs et metteuses en scène ont travaillé de pair avec un acteur ou une actrice pour donner vie à la bande sonore de façons différentes. Vers Solitaire propose ainsi quatre parcours uniques, mais basés sur la même partition écrite par Olivier Choinière.

Lors de la sélection de son équipe, sa priorité était la diversité de perspectives afin d’aboutir à quatre produits distincts et originaux. À l’heure de départ de la déambulation, c’est au hasard que le spectateur ou la spectatrice se voit désigné(e) l’un(e) des quatre hôtes.

Réaliser ce projet en plein centre-ville comporte de nombreux défis. « Il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas contrôler, donc on est chaque jour en mode adaptation », explique Olivier Choinière. Or, d’après lui, c’est cette imprévisibilité qui fait en sorte que chaque représentation est unique.

Vers Solitaire se présente alors comme une réaffirmation du théâtre et un hommage singulier à l’alchimie qui lie ponctuellement une œuvre et son public.

Mention photo Charles Lafrance | Montréal Campus

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *