Des pictogrammes déshabillés

Depuis la rentrée, une ou des personnes, dont l’identité est jusqu’ici méconnue, retirent ou vandalisent les panneaux « hommes » et « femmes » des toilettes de l’UQAM pour revendiquer plus de toilettes mixtes sur le campus.

Pas moins d’une vingtaine d’actes de vandalisme liés aux panneaux des toilettes ont été répertoriés sur le campus depuis le début du trimestre d’automne 2021, indique la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers.

Le Service de la prévention et de la sécurité et le Service des immeubles de l’Université assurent les réparations nécessaires et poursuivent leur enquête afin de déterminer qui est à l’origine des actes. « Ces gestes, qui sont passibles de sanctions, n’ont pas leur place dans notre institution. En plus de représenter une transgression au Règlement 10 de l’Université portant sur la protection des personnes et des biens, ils constituent un acte criminel », soutient Mme Desrochers.

Au moment où ces lignes étaient écrites, la ou les personnes qui ont perpétré ces actes n’ont pas répondu aux appels à tous et à toutes du Montréal Campus lancés sur les réseaux sociaux et à la communauté étudiante.

Une quarantaine de toilettes mixtes

En 2017, il n’y avait qu’une seule toilette mixte sur le campus, celle-ci se trouvait alors au centre sportif. Au cours des quatre dernières années, l’administration de l’UQAM a tenté de répondre à la demande de la communauté étudiante d’avoir accès à plus de toilettes non genrées.

« Il n’y a pas moins d’une quarantaine de toilettes inclusives sur le campus de l’UQAM », affirme Jenny Desrochers. Ces salles de bains peuvent notamment être repérées sur une carte interactive disponible sur le site Web de l’UQAM.

En revanche, si certains pavillons comptent plusieurs toilettes mixtes, d’autres n’en ont aucune. Parmi ces derniers, on retrouve le pavillon J.-A.-Desève, le pavillon de musique, le pavillon de Maisonneuve et le pavillon Paul-Gérin Lajoie.

« L’implantation d’autres toilettes inclusives est prévue, notamment dans le cadre des projets de rénovation des pavillons. D’ailleurs, on en ajoutera au pavillon Hubert-Aquin, et de nouvelles seront accessibles prochainement au pavillon des Sciences de la gestion et au futur pavillon Sanguinet », rapporte Mme Desrochers. Même avec ces ajouts, certains pavillons resteront sans toilettes mixtes.

Un défi quotidien

Pour les membres de la communauté LGBTQ+ de l’UQAM, le nombre limité de toilettes mixtes sur le campus peut constituer un enjeu au quotidien.

Aux yeux d’Estelle Grignon, diplômée transgenre de l’UQAM et directrice musicale à la station de radio CHOQ, l’accès aux toilettes non genrées sur le campus de l’université est nécessaire pour l’ensemble de la communauté LGBTQ+. « C’est une communauté qui est déjà tellement marginalisée. Si on peut trouver un moyen [qu’elle le soit moins], je pense que ça en vaudrait vraiment la peine », pense-t-elle.

Selon Gabriel Galantino, coordonnateur de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et sur la pluralité des genres de l’UQAM, les toilettes genrées ou traditionnelles sont des endroits où plusieurs membres de la communauté LGBTQ+ ne se sentent pas à leur place, ni même en sécurité. « Ça peut être très confrontant » pour une personne qui s’identifie à un genre d’aller dans les toilettes du sexe opposé, explique M. Galantino.

Cet enjeu affecte aussi les personnes non binaires, alors qu’il n’y a tout simplement aucune toilette pour ces étudiant(e)s. Des violences sont fréquemment vécues par ces personnes dans les toilettes traditionnelles. « C’est par rapport à une expression de genre non conforme, qui transgresse un peu les normes, que les personnes vont se faire dévisager, insulter, agresser, violenter verbalement ou physiquement », déplore M. Galantino.

Des stéréotypes à briser

D’après M. Galantino, l’utilisation des toilettes mixtes peut susciter certaines craintes liées aux agressions sexuelles chez les femmes cisgenres, soit les femmes dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance. Cependant, il précise qu’aucune preuve n’indique que les toilettes non genrées constituent un danger. « Un homme qui a envie d’aller agresser une femme qu’il ne connait pas dans les toilettes ne va pas s’empêcher de le faire, il va entrer dans la toilette des femmes et commettre l’acte. Les toilettes mixtes ne créent pas un environnement qui est moins sécuritaire pour les femmes », dit-il.

Estelle Grignon est du même avis. « Je connais plein de filles qui sont allées dans des bars qui n’avaient pas de toilettes mixtes et ça ne les a pas empêchées de vivre des affaires dégueulasses », soutient-elle. En tant que femme transgenre, elle estime également qu’elle est beaucoup plus prédisposée à subir de la violence que les femmes cisgenres.

Selon Gabriel Galantino, la peur liée aux violences sexuelles est majoritairement attribuable aux hommes cisgenres et la communauté LGBTQ+ peut trouver injuste de se voir refuser des toilettes mixtes pour cette raison. « Ça commence à être tannant qu’on mette un frein dans les droits et dans l’accessibilité aux services pour les personnes LGBTQ+, à cause des hommes cisgenres hétérosexuels », considère-t-il.

Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

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