« L’éveil autochtone » dans l’oeil de Santiago Bertolino

Réalisé par Santiago Bertolino, le poignant documentaire NIN E TEPUEIAN (Mon cri) raconte la « blessure coloniale » à travers la poétesse, comédienne et militante innue Natasha Kanapé Fontaine. 

Après avoir abordé les thèmes de la grève étudiante (Carré rouge sur fond noir, 2013) et du journalisme de guerre (Un journaliste au front, 2016), le cinéaste montréalais s’intéresse cette fois à la question autochtone. Pour son troisième long-métrage, Santiago Bertolino a suivi pendant plus d’un an le personnage qui donnerait vie à son message politique, soit Natasha Kanapé Fontaine; une femme forte, complexe et attachante dont la parole est de plus en plus répandue.

Diffusé en primeur mondiale lors de l’ouverture du 29e festival Présence autochtone, mardi soir à l’Auditorium de la Grande Bibliothèque, le documentaire de 82 minutes plonge dans la réalité aborigène contemporaine en abordant les thèmes de l’identité, de la langue, du territoire, du colonialisme et de la réconciliation. 

De la Slovénie à Kuujjuaq, Natasha Kanapé Fontaine danse, chante, rit et pleure en français, en anglais et en innu. Si la militante nous transporte entre autres à la réserve de Standing Rock, aux États-Unis, où des centaines de manifestants et manifestantes s’opposent à la construction de l’oléoduc Dakota Access, la poétesse, elle, nous fait aussi voyager avec ses mots. 

« Natasha réussit à nous expliquer à nous, les Allochtones*, cette blessure coloniale », exprime le réalisateur Santiago Bertolino, en entrevue avec le Montréal Campus. « Elle le fait avec une certaine douceur, sans confrontation », remarque celui qui a rencontré sa muse dans une manifestation environnementale en 2011. 

La mise en images de ce « nouvel éveil autochtone » se fait à travers des extraits de performances, d’entrevues, de voyages et d’ateliers filmés entre 2016 et 2017. Entrecoupés de poèmes signés Kanapé Fontaine et de chants traditionnels, les passages se succèdent de manière fluide, témoignant des huit mois de montage effectués par le réalisateur-caméraman.

Ne s’adressant que rarement directement à la caméra, l’artiste se dévoile plutôt à travers son oeuvre. Dans un passage particulièrement touchant du documentaire, la militante aguerrie laisse la place à l’écrivaine plus vulnérable, que l’on ne peut qu’admirer: « Comment tout ça est sorti de mon corps? » se demande-t-elle, larmes aux yeux, en relisant des passages de son livre, Kuei, je te salue.

« La Révolution tranquille des Autochtones »

En cette année internationale des langues autochtones, Santiago Bertolino a choisi de ne pas sous-titrer les passages en innu dans son film. Cette omission parfois déstabilisante permet au public d’apprécier la sonorité de la langue, mais se veut surtout une invitation à l’apprentissage. « C’est une langue locale, c’est une langue qu’on devrait connaître », croit le cinéaste.  

Avec Mon cri, le réalisateur cherchait un moyen de montrer ce qu’il appelle « la Révolution tranquille des Autochtones » et il le fait brillamment, sans longueurs, et avec une grande sensibilité. Le discours de Natasha Kanapé Fontaine, qui se veut « un pont entre les Premières Nations et les Allochtones », selon Santiago Bertolino, pourra être apprécié ce dimanche au Cinéma du Parc, dans le cadre de Présence autochtone, puis officiellement en salle en janvier 2020.

*Allochtone désigne une personne non autochtone.

photo: LES FILMS DU 3 MARS

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