Les allégations de fraudes scientifiques universitaires, rapportées dans une récente enquête de La Presse, ont fait état d’une situation inquiétante au sein des campus québécois. Bien que l’UQAM soit l’une des universités les plus strictes en matière de contrôles financiers, deux dérogations sérieuses sont survenues au courant des dernières années.
Dans la dernière décennie, treize allégations d’inconduites scientifiques ont été consignées, au total, à l’UQAM. L’université a procédé à une démarche approfondie sur sept de ces cas. Selon la vice-rectrice à la recherche de l’UQAM, Catherine Mounier, la situation est loin d’être alarmante : « 7 cas sur 10 ans, pour 1200 professeurs, ce n’est quand même pas énorme ».
En fonction de la gravité de la fraude commise, des sanctions sont recommandées par le comité d’enquête de l’UQAM, formé de deux professeurs experts et de membres internes, explique Mme Mounier. Les inconduites peuvent aller de l’omission de citer quelqu’un au plagiat, en passant par la fraude de résultats et la fraude financière. C’est ensuite le Service des ressources humaines qui établit un jugement.
La vice-rectrice à la recherche rappelle toutefois que l’UQAM procède à un travail rigoureux pour réduire les risques de fraudes pécuniaires. Un mécanisme de déclaration se fait de prime abord par les départements. Les services financiers de l’université s’occupent ensuite de mettre en vigueur les règles imposées par les organismes subventionnaires. « Il y a un travail très approfondi fait par les services financiers de l’UQAM. Je peux vous dire que les fonds de recherches fédéraux sont à l’affût et regardent tous nos comptes. Les chercheurs trouvent même ça très lourd, parce que le contrôle est extrêmement important », mentionne Mme Mounier.
C’est une opinion que partage le professeur au département de chimie de l’UQAM et titulaire de la chaire de recherche du Canada en chimie des nanoassemblages biologiques Steve Bourgault. « Les contrôles de l’UQAM sont très très stricts, plus stricts que ceux de mes collègues des autres universités. Si on fait une dépense qui est non admissible sur un fonds de recherche qui provient d’un organisme subventionnaire, l’UQAM contrôle très bien ça », précise-t-il.
Politique sur l’éthique et l’intégrité en recherche
La politique 27 de l’UQAM « s’aligne tout à fait avec ce qui a été fait dans les domaines fédéral et provincial [en 2014 et 2011] », selon Mme Mounier. Cette politique joue un rôle important dans la définition des normes déontologiques et éthiques qui balisent la recherche scientifique.
La structure fonctionnelle de la politique 27 établit un partage des responsabilités entre plusieurs intervenants. Ce sont les chercheurs qui doivent veiller à son application et qui détiennent la primauté de la responsabilité lors de la conduite de leurs recherches. Or, ce sont les vice-recteurs qui sont responsables de faire appliquer la politique. « En cas d’allégation de manquement à la probité qui n’a pas été résolu par […] le doyen […], il constitue un comité chargé de traiter le cas et de donner les suites appropriées au travail de ce dernier. », indique l’article 7.4 de la politique 27.
La politique 27 sur la probité en recherche établit des principes d’intégrité et d’éthique qui doivent automatiquement guider les travaux des chercheurs. Malgré le travail de prévention de l’UQAM, certains scientifiques réussissent tout de même à contourner cette politique. Comme l’a rapporté Marie-Claude Malboeuf dans son enquête pour La Presse, cela a été le cas de deux chercheurs à l’UQAM dans les dix dernières années - sur les sept allégations qui ont nécessité une enquête. « Il y en a un qui est parti de son plein gré et le deuxième était un chercheur non rémunéré [un professeur invité] à qui on a simplement retiré son statut », nuance toutefois Catherine Mounier.
Plus de formations
Il devrait y avoir davantage de formations mises en place afin de mieux enseigner aux nouveaux chercheurs les codes déontologiques qui régissent leur métier, affirme M. Bourgault. « Quelque chose qui pourrait être intéressant serait de faire des cours d’éthique pour les étudiants diplômés, les étudiants à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat », explique-t-il.
En ce qui concerne la gestion des dépenses, des améliorations ont été apportées aux dispositions déjà en place. « On a encore de nouvelles règles qui ont été établies cette année. Tous les chercheurs vont être formés pour la gestion de leurs comptes. On va avoir des formations […] en lien avec les organismes subventionnaires fédéraux », mentionne Catherine Mounier.
Des cas moins sérieux, mais plus nombreux
Même si l’UQAM prend au sérieux toutes les allégations qui lui sont rapportées, Steve Bourgault est d’avis qu’il y a néanmoins beaucoup de « petites fraudes » qui se font à son insu. « Pour être dans le milieu, il y a beaucoup de petits résultats trafiqués ici et là. Qu’est-ce que l’Université peut faire ? Il n’y a pas de police pour les chercheurs postdoctoraux dans les laboratoires. C’est gens-là veulent des postes de professeurs, la compétition est très féroce. En fin de compte, on revient nécessairement à l’éthique du chercheur », raconte M. Bourgault.
photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS
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