L’UQAM : de A à W

Bâtie autour de l’église Saint-Jacques, l’UQAM s’intègre à l’environnement urbain de la métropole montréalaise. Les plans d’origine de l’Université représentent une institution imprégnée à la ville. Le Montréal Campus s’est penché sur la genèse sa conception architecturale, qui serait adaptée à ses valeurs progressistes, laïques et près de l’environnement.

Construire un campus en plein centre-ville était un plan innovateur, car avant les années 1960, les universités comme McGill, entre autres, étaient construites à l’extérieur des murs de la métropole. « Ce n’est que vers la fin de cette décennie que les campus ont eu la volonté de devenir plus urbains », raconte la professeure en histoire de l’architecture à l’UQAM Francine Vanlaethem, qui était présente lors de la fondation de l’Université.

L’UQAM devait être directement branchée au réseau de métro, en éparpillant ses pavillons sur quatre stations : Beaudry, Berri-de-Montigny, Saint-Laurent et Place-des-Arts. « Les architectes voulaient que les étudiants prennent le métro pour se rendre à leurs cours », explique Luc Noppen, professeur au Département d’études urbaines et touristiques.

L’enseignant explique que le rez-de-chaussée de l’Université devait initialement être composé de locaux commerciaux, laissant les étages supérieurs aux classes. « C’était censé permettre de mieux protéger le paysage urbain », dit-il.

À l’origine, les architectes auraient même souhaité que les étudiants se déplacent entre les pavillons par des passerelles aériennes. « Si vous allez au premier étage dans les pavillons Hubert-Aquin (A) et Judith-Jasmin (J), vous remarquerez qu’il y a un long couloir qui mène droit dans un mur. C’est là que la passerelle devait se trouver », ajoute Luc Noppen.

Influence brutaliste

Pourtant selon l’étudiante au doctorat en histoire de l’art et chargée de cours, Alessandra Mariani,  « L’UQAM, ça a l’air d’un bunker, si on veut dire ça à la plus simple expression ». Cette particularité architecturale ne serait ni anodine ni unique. Selon elle, de nombreux établissements d’enseignement au Québec, tels que les cégeps et les polyvalentes, ont adopté cette esthétique lors leur construction.

Les allures de fortifications de l’université du Quartier latin seraient influencées par le brutalisme, un mouvement architectural anglo-saxon popularisé par les architectes Alison et Peter Smithson au début des années 1950. « Pour le couple, cela [le brutalisme] signifiait la création de bâtiments qui donnent l’impression qu’on a trouvé les matériaux tels quels », explique celle qui détient une maîtrise en histoire de l’art et une seconde en muséologie.

Ce courant artistique expliquerait d’ailleurs la raison pour laquelle le campus principal de l’UQAM, constitué des pavillons J et A, est composé de nombreuses structures de pierre, de béton et d’acier.

D’ailleurs, il n’y a pas beaucoup de fenêtres dans les pavillons. « On pensait que si on en installait, les élèves ne seraient pas attentifs », mentionne le professeur Luc Noppen.

Pour Alessandra Mariani, le brutalisme apparaît comme une réponse à la modernité qui, elle, promeut l’esthétique polie et uniforme. « Il met de l’avant des matériaux plus bruts, comme la brique, qui détonnent avec l’image très léchée de l’architecture moderne », dit-elle.

Les architectes auraient souhaité, par l’esthétique minimaliste des pavillons centraux, inaugurés en 1979, laisser les étudiants et le personnel s’approprier l’établissement. « À l’époque, des études comportementales avaient rapporté que si l’on mettait les gens dans un bunker, ces derniers se sentiraient sans doute plus libres d’agir comme bon leur semble », ajoute Alessandra Mariani.

Les firmes d’architectes Jodoin Lamarre Pratte ainsi que Dimitri Dimakopoulos et Associés — toutes deux derrières la construction des pavillons J et A — auraient essayé de transmettre, par leurs réalisations, une image architecturale et artistique progressiste.

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Le premier plan de ce qui allait devenir l’UQAM. Les étages orangés étaient voués à une utilisation commerciale, et en rouge, destinés à l’enseignement. | Courtoisie de Luc Noppen

Complètement différent du campus central, le Complexe des sciences Pierre-Danserau — dont la construction s’est échelonnée sur une période de treize ans, entre 1993 et 2006 — a quant à lui une architecture plus soucieuse sur le plan environnemental. « On voit vraiment que le langage architectural a changé. Les bâtiments, tels que celui des sciences biologiques (SB), intègrent un peu toutes les préoccupations présentes à la fin des années 1990 et du début des années 2000 », souligne l’étudiante au doctorat. Le Complexe des sciences exploite, entre autres, la transparence du verre coloré en plus d’abriter de nombreux espaces verts, dont des jardins intérieurs et extérieurs.

Alessandra Marina salue l’initiative de l’UQAM, qui souhaitait initialement intégrer les pavillons à l’urbanité. Elle perçoit toutefois un paradoxe dans la volonté de l’Université, dont l’objectif serait de s’ouvrir, de se rendre « perméable » à la culture de la ville, alors que sa configuration crée une impression d’isolement. Cet effet d’hermétisme, au sens où sa configuration « à la bunker » pourrait évoquer une prison qui « enferme en fin de compte le savoir sur lui-même », est contraire avec l’idéologie du brutalisme, qui se voulait au fond « plus convivial », nuance la doctorante.

Avec Mélina Soucy

Illustration d’en-tête: COURTOISIE DE LUC NOPPEN
Un dessin de la cour intérieure du pavillon Hubert-Aquin

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