Prolonger l’impasse | Critique de la pièce Des arbres

 

Glissant sur une mise en scène épurée et un texte émotionnellement chargé, Sophie Cadieux et Maxime Denommée se posent un dilemme dans la pièce Des arbres: à l’heure des crises écologiques, est-il encore moral d’avoir des enfants ?

Le Théâtre de La Manufacture propose une pièce extrêmement réaliste avec Des arbres, tellement représentatif de notre époque qu’on pourrait qualifier le texte d’actualiste. Sophie Cadieux et Maxime Denommée forment un jeune couple urbain. Progressistes, ceux-ci sont convaincus de faire le bien: ils mangent bio, se promènent en vélo, se soucient des problèmes du monde. La question de leur responsabilité se pose toutefois lorsque l’éventualité d’un enfant est abordée. Est-ce moral de produire un être qui produira 10 000 tonnes de Co2 supplémentaires à lui seul ?

La simplicité de la mise en scène, des décors (l’absence de décors même) et de la trame sonore crée un espace intimiste que la scène de la petite Licorne ne fait que renforcer. Si le texte est d’actualité, il l’est encore plus pour les spectateurs du théâtre situé en plein cœur du Plateau-Mont-Royal. Si l’auteur britannique Duncan MacMillan vivait au Québec, c’est probablement ici qu’il aurait fait habiter ses personnages.

Fluidité et humilité

L’élément le plus accrocheur et réussi du texte est certainement la fluidité des changements de scène. Aucun temps mort n’existe entre les déplacements dans le temps, ce qui oblige le spectateur à suivre et les comédiens à se relancer. Inutile de préciser que ceux-ci réussissent grandement le défi, ces changements de scène étant programmés au quart de tour.

Le texte très bien ficelé du dramaturge apparaît premièrement comme étant une longue scène de vie conjuguale, mais poussé par le jeu très émotif des acteurs, celui-ci se transforme peu à peu en des scènes de notre vie conjugale. Les spectateurs déjà parents se rappelleront de nombreux souvenirs avec Des arbres, et les plus jeunes se projetteront dans les défis qui les attendent.

Si rien n’est à redire sur la mise en scène (chapeau à Benoît Vermeulen qui est resté humble), on peut se questionner le dernier quart du texte, qui cherche sa fin malgré lui. Les dix dernières minutes semblent forcées, tombant dans l’émotion gratuite, les questions profondes initiales n’étant pas reconduites.

Des arbres est à voir, et surtout à mijoter, car ce débat ne doit pas être contenu à l’intérieur de la scène. On souhaite que tous les jeunes couples urbains auront la même grâce et surtout cette même humanité dont faisaient preuve les comédiens dans les débats qui les attendent.

 

Photo : Suzanne O’Neill

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