Quel stage me donnez-vous ?

Les mesures d’austérité affectent les professionnels de l’éducation, et les étudiants en enseignement n’y font pas exception. Entre des planifications chamboulées par les grèves et des perspectives d’avenir incertaines, les stagiaires s’inquiètent.

Primaire, secondaire, réadaptation scolaire; voilà un bref aperçu des différents secteurs touchés par les mesures d’austérité du gouvernement Couillard en matière d’éducation. En raison des compressions, les étudiants en éducation ont fait face à des conditions de stages plus ardues à la session dernière. Il leur a été plus difficile de décrocher une place dans un des quatre stages obligatoires à leur formation, et ils ont aussi dû composer avec une diminution du nombre de journées de stage en raison des manifestations organisées par le corps professoral des différentes commissions scolaires du Québec. Des embûches qui ne sont cependant pas insurmontables.

Le département uqamien peine parfois à trouver des enseignants disposés à accueillir des stagiaires dans ces conditions loin d’être idéales. «Ils ont eu énormément de difficulté à trouver mon stage. En automne, je l’ai obtenu trois jours avant qu’il débute», témoigne Marie-Laurence Tremblay, étudiante à l’UQAM en enseignement du français langue seconde au secondaire. Les enseignants surchargés, dont les heures sont coupées, sont moins enclins à accepter d’accueillir des étudiants dans leurs classes.

Les stagiaires ont vécu le stress de devoir changer la planification de leurs cours à la suite des journées de grève votées par les enseignants des commissions scolaires. C’est le cas d’Yzaak Champagne, étudiant en éducation du français langue seconde. «On doit s’adapter rapidement et couper dans la matière jugée moins pertinente même si cela aurait pu l’être plus tard», explique l’étudiant de troisième année.

Comme plusieurs autres stagiaires, Yzaak a raté quelques jours de stage en raison de la grève des enseignants de la commission scolaire English-Montréal. «J’avais 20 jours de prises en charge comparativement à huit journées d’observation, donc ce sont mes journées d’observation qui ont été perdues», explique-t-il. Cependant, le débrayage enseignant n’empêche pas la réussite d’un stage si les compétences sont jugées acquises par l’institution. «Selon ce que je sais, aucun stagiaire n’a été pénalisé par les journées de grève lors de leur stage à l’automne», assure la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, Monique Brodeur.

La finissante en enseignement du français au secondaire, Kélianne Cyr, ne croit pas que la grève des enseignants l’ait pénalisée dans son expérience, au contraire. «J’ai participé aux manifestations sur le terrain et je crois que nous gagnions à y être, puisque cela fait partie de la réalité du travail. C’était important de m’impliquer pour mes futures conditions de travail négociées actuellement», explique-t-elle.

Enseignante à la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI), Élène Tavernier, relate l’expérience vécue par son stagiaire à la session d’automne. «Il est certain qu’il a été bousculé dans sa planification, mais il a appris à gérer les crises qui sont présentes parfois dans le métier», relativise-t-elle.

Un climat scolaire assombri

La précarité des emplois en enseignement est décriée par plusieurs professionnels du milieu. «Dans les classes, l’ambiance est vraiment morose, et les enseignants ont l’impression de porter l’école à bout de bras», rapporte David Choquette, enseignant tout récemment diplômé. Ce dernier s’est dit témoin de la dure réalité des stagiaires et des futurs enseignants. «[Le gouvernement] coupe partout, donc il enlève de plus en plus de postes d’enseignants. Ça rend ça plus difficile pour moi», déplore-t-il, témoignant de la difficulté de trouver un poste fixe.

«Les compressions budgétaires nuisent considérablement à la qualité des services aux élèves, en plus d’imposer parallèlement une charge de travail inadaptée pour les professeurs», critique Marie-Laurence Tremblay. Cette dernière observe que dans plusieurs établissements, les activités parascolaires sont annulées, en raison des moyens de pression utilisés par les enseignants. Les élèves ayant besoin de soutien particulier (orthophoniste, psychologue, etc.) souffrent d’un manque de personnel adapté à leur besoin, puisque beaucoup de postes sont retranchés et que les enseignants ne sont pas toujours adéquatement outillés pour les aider. Les étudiants rencontrés ont pu l’observer lors de leur passage dans les écoles dans le cadre de leurs stages et craignent pour leur avenir. «Pour avoir vu les profs démunis, ça me fait peur. J’ai certaines ressources, mais je crains d’en manquer et de ne pas avoir l’aide nécessaire», partage Marie-Laurence Tremblay.

Drapeau rouge de l’UQAM

Le Bureau de la formation pratique de la Faculté des sciences de l’éducation a envoyé un message aux étudiants le 15 octobre pour clarifier la position de l’Université sur la participation des stagiaires aux débrayages enseignants. Il y est écrit que les étudiants peuvent participer aux manifestations organisées, mais qu’ils doivent «conserver l’intégrité de la profession et de leur institution universitaire». Certains étudiants ont interprété ce message comme une interdiction de participer aux manifestations des enseignants, alors que d’autres n’y ont vu qu’un avertissement de l’administration.

Photo : Photo UQAM

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