Le professeur Jérome Claverie travaille depuis plusieurs années à élaborer des polymères plus verts. Ses efforts ont récemment été couronnés de succès alors que son équipe est parvenue à développer un époxy sans bisphénol. Une découverte qui leur a valu de faire partie du palmarès 2015 des dix découvertes marquantes de Québec Science.
L’époxy se retrouve dans bien d’autres applications que la supercolle. On s’en sert dans la construction aéronautique et automobile, où sa légèreté est appréciée, mais aussi en électronique et même comme fini pour planchers. L’inconvénient avec la polyvalence de l’époxy actuel, c’est qu’on l’utilise à grande échelle, et donc les répercussions environnementales s’en trouvent multipliées.
L’époxy contient du bisphénol A, un composant «complètement toxique, dont le processus de fabrication présente même un danger pour la santé», fait valoir le professeur de l’École polytechnique de Montréal, Pierre Carreau. Éco-responsable, l’alternative développée par les chercheurs de l’UQAM est même plus résistante que les époxys traditionnels.
La chimie autrement
«La chimie a une responsabilité importante dans la pollution, concède Jérôme Claverie, mais elle détient aussi les clés pour résoudre ce problème».
Des clés telles qu’exploiter les propriétés chimiques d’éléments biologiques. Le principal composant de l’époxy élaboré par l’équipe de recherche est issu de dérivés de la fermentation de plantes. Au total, c’est 72% du produit qui est biosourcé, c’est-à-dire découlant de sources naturelles et renouvelables. Le résultat obtenu est semblable à du verre: dur, mais cassant, et beaucoup plus léger.
L’équipe du chimiste a aussi développé un époxy sous forme de fibre, une première dans l’univers des polymères. Une sorte de «version mécanique de la soie d’araignée», illustre le scientifique. Le textile résiste à une température de 350oC, contrairement à environ 220oC pour les époxys sur le marché. «Pour la fibre, on a eu beaucoup de chance», ajoute Moubarak Compaoré, un étudiant burkinabé qui a travaillé d’arrache-pied sur ce projet.
Des entreprises frileuses
Implanter ces nouveaux époxys dans l’industrie sera cependant un travail de longue haleine, aux dires des chercheurs. «Les fabricants ont peur du changement», explique le professeur Claverie. «Les industriels sont habituellement réticents. Il y a toujours des délais. Ça pourrait prendre 5-6 ans.», confirme l’ingénieur Pierre Carreau.
«Notre méthode de fabrication est très différente de celle d’un époxy classique», admet Jérôme Claverie. Ils devront convaincre les entreprises de changer leurs infrastructures de fabrication, à grands frais. «En attendant, nous concentrons nos efforts sur des débouchés plus nichés, comme l’électronique», précise Moubarak Compaoré.
Les deux chimistes ne s’arrêteront cependant pas là. Au courant des prochaines années, ils espèrent réussir à concevoir un époxy 100% biosourcé qui soit inodore et compatible avec le modèle de production actuel. Un défi imposant qu’ils envisagent avec enthousiasme.
Photo: Sandrine Gagné-Acoulon
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