Un travail de moine

Marilyne Gauthier-Leduc, Naïma Alibay et Judith Lemay-Bonin, anciennes de l’UQAM, sont toutes trois à la tête de l’entreprise De L’île.

De L’île existe seulement depuis septembre 2014, mais les trois entrepreneures ont pu être aperçues de nombreuses fois, notamment au Marché des Possibles pour vendre leurs vêtements en août dernier. Les bachelières du programme de design de l’environnement remettent la broderie au goût du jour.

L’idée de se lancer en mode est venue aux trois amies à la fin de leur baccalauréat. De plus, elles ont appris la broderie sur une base autodidacte. «On a commencé à faire des cadeaux pour des amis, des pièces personnalisées sur des t-shirts, des vêtements qu’on prenait dans des friperies, puis, de fil en aiguille, des amis d’amis nous en ont demandé, raconte Judith Lemay-Bonin. On a commencé à avoir de plus en plus de demandes pour des cadeaux, puis finalement on a décidé d’officialiser la chose en créant une collection fixe.»

Les vêtements ne sont pas confectionnés par De L’île. L’entreprise a un partenariat avec la bannière American Apparel et achète aussi des vêtements de collections antérieures réunis dans un distributeur de vêtements en gros. Le lieu est gardé secret par les trois filles, puisqu’il s’agirait d’une véritable mine d’or. Les broderies, elles, sont faites à la main et à l’aiguille. Un vrai travail de moine qu’apprécient les membres de la maison de broderie De L’île, puisque cela rend chaque vêtement unique. «Souvent les gens nous font des demandes spéciales, puis ils nous racontent leurs histoires, c’est comme si on en faisait un peu partie», explique Judith Lemay-Bonin.

Un baccalauréat formateur

Les trois jeunes filles à la tête de De L’île ont regardé des tutoriels et ont acheté des livres pour apprendre les techniques de broderie. Elles avaient un atelier auparavant, mais elles pratiquent désormais leurs activités chez Marilyne Gauthier-Leduc. Judith travaille dans un restaurant et Marilyne est styliste pour la télévision. N’empêche, elles travaillent toutes au coeur de l’entreprise à temps plein. Elles désirent éventuellement confectionner leurs propres vêtements avec l’aide d’une designer. Les créatrices ont amassé leurs outils de travail sur le tas, mais leur baccalauréat en design de l’environnement a donné une bonne vision du design. «Le bac en design de l’environnement est ultra multidisciplinaire, on a vu des notions de l’objet au design urbain, appuie Naïma Alibay, qui est maintenant à la maîtrise en design de l’environnement. Le bac nous a toujours donné une espèce de vision globale qu’on est ensuite capable d’adapter à n’importe quel projet.»

«Le design mène à tout», soutient le chargé de cours à l’École de Design de l’UQAM et designer industriel Michel Swift. Ce qui est enseigné au baccalauréat, c’est une méthode.» Judith Lemay-Bonin a d’ailleurs déjà eu ce professeur inspirant, lors de la dernière année de son baccalauréat. «Son esthétique épurée, il nous l’a bien transmise. Il nous a aussi appris à avoir confiance en nous, en nos projets, même si je sais que Michel Swift ne fera jamais de la broderie! », s’exclame-t-elle en riant.

Les créatrices n’ont pas eu de cours de démarrage d’entreprise au sein de leur baccalauréat, mais elles ont bâti la leur en apprenant par elles-mêmes en se référant aux études qu’elles ont complétées.

Vers une expansion?

Selon Michel Swift, qui détient la boutique Jamais Assez spécialisée dans les objets et mobiliers contemporains, la prochaine étape pour De L’île serait de pousser le vêtement vers l’industrie. «Dans mon cours d’objet, nous étudions le passage de l’objet de l’artisanat à l’industrie, elles pourraient développer ça, explique-t-il. Ce serait la suite je pense. Elles pourraient vendre à une entreprise de distribution.»

De L’Île voudrait peut-être une boutique qui aurs pignon sur rue, mais le projet reste embryonnaire. Pour le moment, les jeunes entrepreneures vendent leurs vêtements sur la plateforme Internet Etsy et elles s’intéressent davantage à l’unicité de chaque vêtement plutôt que de s’attarder sur le côté manufacturier. «Avec l’aiguille, il faut vraiment beaucoup de patience, mais on s’installe, on est des amies aussi, donc on jase en même temps», soutient Judith Lemay-Bonin, le sourire dans la voix. De L’île brodent des petits trésors non jetables, qui sont là pour rester dans la garde-robes de tous et chacun.

Le style De L’Île s’inscrit dans la «Slow Fashion». «Le mouvement « Slow » a pris naissance avec le « Slow Food » au milieu des années 80 avec Carlo Patrini. Celui-ci voulait promouvoir les articles frais et locaux, et surtout aller à l’encontre du fast food, décortique la professeure à l’école à l’École supérieure de mode, ESG UQAM, Marie-Ève Faust. Peu de temps après, des gens du milieu de la mode ont repris cette idée, qui aujourd’hui suit son cours grâce à des gens comme ces trois créatrices», indique-t-elle. Le Slow Fashion propose une confection de vêtements uniques, embellis et qui dureront plus longtemps, contrairement aux nombreux vêtements peu chers sur lesquels on peut retrouver des impressions. «Les pionnières du mouvement Slow Fashion sont Kate Fletcher et Lynda Grose, qui ont finalement publié en 2011 un livre intitulé Fashion & Sustainability, Design for Change, ajoute Marie-Ève Faust. Elles parlent entre autres de la transformation des pratiques de design.»

Crédit photo : De L’Île

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