Poupons et complications

À la demande de certains parents, la cigogne passe et dépose le bébé dans le confort de son leur demeure. Contrôler la naissance comme la planification d’un mariage peut être fort tentant, mais plusieurs hésitent encore à voler de leurs propres ailes.

L’accouchement à l’extérieur de l’hôpital demeure une possibilité pour très peu de femmes au Québec. À l’inverse, plus de 30 % des Néerlandaises accueillent leur nouveau-né dans le confort de leur maison. Pourtant, une étude de la Confédération des syndicats nationaux indique que 26 % des Québécoises désirent donner naissance chez elles. Si la grossesse est sans danger, rien ne semble être contre-indiqué pour ne pas accueillir le nouveau-né à la maison.

Depuis 2004, le gouvernement du Québec offre la couverture des soins d’accouchement à domicile. Sabrina Catellier est l’une de celles qui ont choisi cette voie. Au terme de sa grossesse, elle devait se rendre à l’hôpital pour divers suivis et a constaté les faiblesses du milieu hospitalier. «Les divers spécialistes ne connaissent pas toujours les dossiers, il y a des femmes en contraction sur des fauteuils roulants dans les corridors», se désole-t-elle. C’est son amoureux qui a finalement pris la décision. «Au début, l’hôpital me sécurisait, maintenant c’est l’hôpital qui me fait peur», lui a-t-il dit après un de ses rendez-vous. La naissance à la maison s’est donc imposée comme une évidence pour le couple. «Au début de ma grossesse, les parents qui voulaient accoucher à la maison je les trouvais un peu fous, avoue Sabrina Catellier. Ma perception a changé et je ne le regrette pas du tout.»

C’est la chaleur humaine et la proximité avec la sage-femme qui semble influencer les futures mamans à accoucher à l’extérieur de l’hôpital. «Les rencontres avec les sages-femmes sont d’environ une heure, ce qui donne vraiment le temps à l’accoucheur de connaître la situation. C’est vraiment comme à l’hôpital, mais avec le même petit monde qui te connaît», indique Sabrina Catellier. La présidente du Mouvement pour l’autonomie dans la maternité et pour l’accouchement naturel (MAMAN), Lysanne Grégoire poursuit en expliquant que les parents peuvent mieux comprendre la naissance du côté mécanique et humain tout en ayant de plus grandes responsabilités. «C’est vraiment la mère et le père qui contrôlent ce qui se passe, tandis qu’à l’hôpital tout est règlementé», fait savoir Lysanne Grégoire. L’infirmier Dany Rodrigue nuance le propos en expliquant que les infirmiers attitrés à l’accouchement prennent des pauses, tout dépendant de la durée du processus. Le personnel reste sensiblement tout au long des contractions. «Les infirmières font le gros du travail. Les médecins arrivent souvent au terme de l’accouchement», souligne-t-il.

La présidente du groupe MAMAN explique que c’est l’arrivée de l’assurance maladie en 1969 qui a sonné le glas des naissances à domicile. Il y a eu virage vers la modernité et avoir son enfant chez soi n’a plus été couvert jusqu’en 2004. «L’hôpital s’est transformé et les gens l’associent à un endroit technologique. Les parents flirtent encore avec ça; donner naissance dans un bon hôpital avec un bon médecin. Ça traîne encore un peu dans l’imaginaire collectif, comme si accoucher à la maison c’était plus “misérable“», déplore Sabrina Cattelier. Pourtant, Lysanne Grégoire est d’avis qu’il n’y a pas plus de risques. «La vigilance est accrue lorsqu’on sait que l’on doit se déplacer et qu’il n’y a pas d’ascenseur à nos côtés», poursuit-elle. En région et dans certains hôpitaux, les chirurgiens doivent se déplacer s’il y a des complications lors d’une naissance à l’hôpital, au même titre que les femmes qui accouchent à la maison devraient se rendre à l’hôpital s’il y avait des problèmes. «Lorsqu’on doit faire une césarienne, il doit s’écouler au maximum 30 minutes et ça, les sages-femmes le garantissent», assure Lysane Grégoire. Les urgences sont toujours averties lorsqu’il y a un accouchement à domicile. Le personnel hospitalier est donc prêt à accueillir le transfert à tout moment. Francis Rodrigue est d’avis, quant à lui, que si de graves complications surviennent comme des hémorragies ou encore un bébé qui soit dans une mauvaise posture, il est toujours mieux d’être en milieu hospitalier.

Les maisons de naissances et les sages-femmes à domicile sont en grande demande dans les dernières années, autant en région que dans les grands centres. «À Montréal, on refuse quatre femmes pour une pour l’accouchement à l’extérieur de l’hôpital. Il y a de longues listes d’attentes», explique la présidente. Lorsqu’une femme prend la décision d’avoir son enfant à l’extérieur des murs de l’hôpital, elle a pris conscience que son corps est fait pour accoucher et que si elle se met dans un environnement favorable tout devrait bien aller. «C’est la vie, rien n’est certain et il n’y a pas plus de certitude à l’hôpital», poursuit-elle.

Sabrina Cattelier a choisi d’éviter d’en parler à son entourage avant son accouchement. «Les gens vivent leurs inquiétudes à travers toi», regrette-t-elle. Lorsqu’elle a annoncé la nouvelle, sa famille et ses amis étaient pourtant agréablement surpris. «C’est encore juste un balbutiement, croit Lysanne Grégoire. Pour moi, que les femmes se réapproprient leur accouchement, c’est le combat féministe des temps modernes.»

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