La cloche a sonné

L’UQAM se retrouve seule pour payer les travaux de 15 millions entamés sur le clocher du pavillon Judith-Jasmin, ce qui sème l’incompréhension dans la communauté universitaire.

Au détour de la rue St-Denis, le clocher de l’Église-de-Saint-Jacques, construit en 1855, projette la lumière filtrée par ses vitraux sur des planches de contreplaqué, installés depuis plusieurs années pour entourer le chantier de ce vestige de Montréal qui risque de s’effondrer. Le périple des réparations actuelles débute en 2011, lorsqu’un fragment de pierre se détache du toit. Pour protéger la sécurité des piétons et des étudiants, l’université entreprend dès lors des travaux d’urgence, dont le prix estimé a quintuplé en quatre ans, pour atteindre 15 millions aujourd’hui. Le montant n’est pas comptabilisé dans le déficit de 20,7 millions de l’UQAM pour l’année 2015-2016, selon la directrice des relations avec la presse, Jennifer Desrochers. Les travaux comportent entre autres le démontage et la solidification des supports du clocher, la restauration générale de la pierre, la réparation des portes et des fenêtres et la remise en fonction des cloches. Selon un document obtenu par le Montréal Campus, ce sont toutes les parties du clocher qui seront touchées.

Malgré le coût élevé des travaux, ceux-ci ne peuvent pas être ralentis. «Ce sont des réparations urgentes qu’il faut faire, parce que ça compromet la sécurité des étudiants», déclare un membre étudiant du conseil d’administration, René Delvaux. Le document administratif confirme les faits. «Le rapport déposé au printemps 2014 […] fait état d’un niveau de dommage très élevé, qui va bien au-delà de ce qui avait été anticipé», indique le document.

L’UQAM a mis en place des moyens temporaires pour assurer la sûreté des lieux depuis plusieurs mois. Une palissade extérieure en bois a été installée sur le trottoir de la rue Saint-Denis en face du clocher et une zone de sécurité a été instaurée dans le secteur. «Ça compromet la sécurité des gens de l’UQAM, mais aussi ceux à l’extérieur, et c’est le principal argument pour faire avancer les travaux», relève René Delvaux. Comme le clocher de l’Église-de-Saint-Jacques fait partie du parc immobilier de l’université, l’administration affirme être incapable de s’en départir. L’université cherche donc la meilleure méthode pour en assurer l’avenir.

Si tous s’entendent sur la nécessité d’effectuer les réparations le plus vite possible, le prix élevé de celles-ci en fait sourciller plus d’un. «Le problème c’est que l’entretien du bâtiment patrimonial, qui coûte très cher puisqu’il y a toutes sortes de règles à suivre, est sur le dos de l’UQAM uniquement», déplore René Delvaux. Les salaires des ingénieurs et des architectes, calculés en fonction du montant des travaux, ont connu une hausse importante, en plus de la majoration des honoraires de 50 % imposée lors de travaux sur un bâtiment historique. Le contrat des ingénieurs de NCK passe ainsi de 29 000 à 244 000 $, alors que celui des architectes de DFS INC. grimpe de 144 000 à 1 015 000 $. «C’est la responsabilité de qui, la sécurité d’un bâtiment patrimonial qui est en train de s’effondrer? De l’UQAM, de la ville ou du gouvernement?» se questionne René Delvaux.

Des options s’offrent pour essayer de réduire les frais au maximum. Une de celles-ci réside dans les subventions accordées au Conseil du patrimoine religieux du Québec, dont le mandat est de veiller à la préservation du patrimoine. «Nous avons un budget de 20 millions sur deux ans alloué par le ministère, affirme le directeur de l’organisme, Jocelyn Groulx. On essaie d’intervenir avant que les bâtiments patrimoniaux soient trop dégradés, pour les préserver et empêcher qu’ils soient dangereux.»

Une professeure et un chargé de cours du conseil d’administration ont déjà proposé que la Ville assume les coûts des travaux. L’UQAM a sollicité l’aide des ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur mais sa demande est toujours sans réponse à ce jour. Des dépenses sont toutefois déjà couvertes par des subventions gouvernementales dont dispose l’UQAM en vue de maintenir ses actifs. «L’UQAM poursuit ses démarches de manière soutenue et régulière en vue d’obtenir les appuis financiers», affirme Jennifer Desrochers.

Emblème du Quartier latin

Le clocher de l’Église-de-Saint-Jacques a été intégré au pavillon Judith-Jasmin lors de sa création entre 1974 et 1979. «Un bâtiment entre dans le patrimoine en raison de sa valeur historique», fait savoir Jocelyn Groulx. Classé patrimonial en 1973 par le ministère de la Culture, il revient dorénavant à l’UQAM de l’entretenir. Selon le ministère de la Culture, des subventions sont disponibles pour aider l’organisme, mais la loi prévoit qu’un bâtiment admissible au programme de restauration du Conseil du patrimoine religieux ou de tout autre organisme ne peut pas recevoir d’aide directe du ministère. «Il faut préserver le caractère patrimonial conformément à la Loi sur le patrimoine culturel», ajoute Jennifer Desrochers. En ce sens, des demandes de rénovations doivent être déposées au ministère avant toute réparation.

Il n’y a pas que l’aspect historique qui est à considérer. «Le clocher s’est actualisé pour devenir l’une des grandes surfaces de projection très prisées par les artistes en médias interactifs, notamment nos étudiants de ce programme», soutient Jennifer Desrochers. Les passants de la rue St-Denis ont pu admirer de nombreux projets animés à même la façade de l’immeuble. «Il faut redonner une vie à ce bâtiment qui a eu un passé», conclut-elle. Les travaux sont loin d’être terminés et la date d’échéance demeure inconnue.

Crédit photo: Pascale Armellin-Ducharme

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