Dans une galaxie près de chez vous

Clonage, extra-terrestres et ambassade intergalactique; le mouvement raëlien semble tout droit sorti d’un film de science-fiction, mais son impact est bien réel au Québec.

Reclus dans sa petite maison des Laurentides, Alain, qui préfère ne pas donner son nom par crainte de représailles, se prépare à passer un troisième hiver consécutif avec pour seul revenu l’assurance-emploi. Comme plusieurs anciens disciples raëliens, il a de la difficulté à réintégrer la «vie normale». Le mouvement religieux de Claude Vorilhon a été ridiculisé sur la place publique au début des années 2000 et s’est quelque peu effacé de l’univers médiatique depuis. Des dizaines de Québécois se joignent néanmoins à la quête céleste des raëliens chaque année.

Chauffeur d’autobus pendant 20 ans dans sa ville natale, Alain s’est donné corps et âme au mouvement raëlien pendant près de six ans. «Je peux dire sans me tromper que ce fut la pire décision de ma vie, déclare-t-il. J’ai perdu mes amis, ma famille et mon emploi.» Même s’il n’a jamais eu le courage de compter le montant total exact, Alain estime avoir donné près de 15000$ en ce que les raëliens appellent des «contributions volontaires».

Après une rupture amoureuse difficile, Alain cherchait un endroit où il pourrait faire de nouvelles connaissances. «Comme beaucoup, je suis allé à une rencontre d’information par simple curiosité et j’ai été séduit par l’atmosphère amicale de l’endroit», raconte-t-il. Pour le doctorant en théologie Jean Claribard, l’histoire d’Alain est typique. «Ce genre de mouvement récupère bon nombre de mésadaptés sociaux qui ne réussissent jamais à s’intégrer dans un groupe», affirme-il.

 

Le début de la fin

Maintenant âgé de 52 ans, Alain avoue avoir adoré son expérience dans les premiers mois. «Malgré les cotisations élevées qu’on nous demandait pour les stages de formation, soit l’équivalent de 10% de notre salaire annuel, je me sentais à la bonne place et j’étais plus heureux que je ne l’avais jamais été», poursuit-il. Pour la première fois de sa vie, il ne ressentait pas le jugement des autres. Les choses se compliquèrent quelques années plus tard. Toujours sceptique vis- à-vis le message raëlien qu’il trouvait tiré par les cheveux, Alain est devenu trop curieux au goût des haut placés du mouvement. «Lorsque j’ai commencé à poser des questions sur la vraisemblance du discours de Raël, les guides m’ont rapidement fait comprendre que j’étais mieux de me taire», dit-il. Pour le spécialiste des mouvements religieux, Jean Claribard, ce culte irréductible de Raël et sa mission est caractéristique d’une secte.

«J’ai finalement quitté les rangs en 2010 et ce fut pour moi une grande libération», explique Alain. Pour le convaincre de rester, les raëliens lui promirent en vain une rencontre en personne avec le créateur du mouvement, Claude Vorilhon. Sa décision était déjà prise. Plusieurs experts avancent que le gourou a amassé une fortune de plusieurs millions de dollars sur le dos de ses disciples. Lorsque la question du salaire de Raël est soulevée, la représentante du mouvement au Canada, Marissé Caissy, est catégorique. «Raël, pour sa part, vit comme tous les écrivains, de ses droits d’auteurs, explique-t-elle. Il reçoit une fois par an les dons et cadeaux que souhaitent lui faire les raëliens et d’autres personnes, mais cela sans aucune obligation.» Alain se souvient de ces fameux dons. «À la fin de certaines conférences, des jeunes femmes appelées les anges de Raël attendaient les disciples avec des chapeaux pour amasser de l’argent, se souvient-il. Nous pouvions voir dans le chapeau des billets de 50$ et 100$ et on nous suggérait fortement de faire pareil.»

Messager des Elohim

Ancien journaliste automobile, Claude Vorilhon est un Français né en 1946. Le 15 décembre 1973, il dit avoir été enlevé par des extra-terrestres, appelés les Élohim, qui lui donnèrent la mission de leur construire une ambassade sur la Terre. Selon ses dires, la fin du monde approche et les Élohim reviendraient chercher les «non-violents» pour les sauver d’une mort certaine. Le mouvement s’est propagé dans une vingtaine de pays et compte maintenant plus de 80000 membres dans le monde. Au Québec, Raël a subit les foudres de Guy A. Lepage et de ses invités lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle en 2004 où même Pauline Marois l’avait qualifié de «fou à lier». Depuis quelques années, Raël et ses disciples se font plus discrets dans le paysage médiatique québécois.

Le mouvement qui a fêté ses 40 ans d’existence continue à opérer de façon quasi clandestine. Pour celle chargée des relations publiques au Canada, Marrisé Caissy, ceci s’explique par un manque d’ouverture des médias québécois pour les raëliens. Un avis que ne partage pas l’ex-disciple Alain. «Personnellement, je crois que Raël et sa bande veulent s’éloigner des projecteurs pour éviter qu’on découvre toute l’escroquerie derrière ce mouvement religieux, explique-t-il. Il sera intéressant de voir ce qui se passera lorsque Claude Vorilhon rejoindra ses amis Élohim une fois pour toute.»

 

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