Valse lynchéenne

Julien Sagot, musicien qui a su donner un rythme et des percussions à la musique de son ancien groupe, Karkwa, qui a conquis le coeur et le iPod de tant de Québécois, présente son deuxième effort solo: Valse 333. Si Karkwa a su s’imposer en alliant textes recherchés et musique chargée, envoûtante et somme toute réconfortante, Sagot, armé de sa voix rauque et de son génie musical, s’invite dans le paysage musical alternatif québécois en troquant le réconfort pour l’angoisse.

Que cela soit dit: Valse 333 n’est pas un album qui pourrait de prime abord être qualifié de mélodique, ni de radiophonique. Conçu comme une oeuvre à part entière avant d’être un regroupement de pièces suivant une certaine cohérence, l’album de Sagot propose une exploration sonore de haut niveau qui s’adresse aux mélomanes avertis plutôt qu’aux curieux en quête d’une musique accessible.

Un peu à la manière de David Lynch, qui crée des films selon sa propre structure en omettant souvent les codes typiques de l’intrigue et laisse toute la place à l’interprétation du spectateur, Sagot empile les éléments musicaux selon ce calcul et cette idée bien précis qui sont les siens. Si ce procédé pourrait rendre Valse 333 quelque peu déroutant à la première écoute, l’auditeur se rendra vite compte qu’il doit se doter d’une oreille active et analytique pour apprécier et comprendre le travail de Sagot, qui se veut plus cérébral et exploratoire qu’accrocheur et convenu.

Assemblant des percussions de toute nature avec des sonorités grinçantes et des textes souvent surréels et tordus, le musicien parvient à créer une oeuvre atmosphérique, cinématique et sombre qui s’aborde comme un vin charnu de bonne cuvée ou une poésie douce-amère et réussit à charmer par son raffinement.

3,5/5

Valse 333, Julien Sagot, Simone Records, 28 octobre 2014.

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