C’est l’histoire d’une langue en perte de vitesse. C’est l’histoire d’un peuple qui tente tant bien que mal de se faire entendre, tout simplement. Ça pourrait être l’histoire de bien du monde, mais celle-ci arrive tout près de chez nous. Dans des réserves et des villes des Premières Nations qu’on relègue aux oubliettes.
J’aimerais remettre la question sur le tapis. Relancer le débat sur la survie de la langue autochtone qui se perd, par manque de lectorat. Ce n’est malheureusement pas de mon unique ressort. La balle est dans le camp des hautes instances, qui devront mettre les bouchées doubles pour conserver ce patrimoine. Le Québec gagnerait à s’inspirer d’autres nations qui jonglent avec le même problème que nous.
En Nouvelle-Zélande, la langue maori est, depuis 1987, l’une des trois langues officielles du pays avec l’anglais et le langage des signes. Criminalité, manque de ressources, les Maoris sont aux prises avec les mêmes problèmes que les Amérindiens du Québec. Inscrire une langue dans un registre officiel est une première étape, qui ne règle pas tous les problèmes d’un claquement de doigts, j’en conviens. Mais c’est un pas dans la bonne direction. La nation a aussi droit à sa propre chaine, la Maori Television, qui diffuse toutes ses émissions uniquement en maori.
Voilà qu’une fois de temps en temps, des voix s’élèvent aussi dans la Belle Province. L’écrivaine Joséphine Bacon a fait des merveilles avec la littérature amérindienne dans son ouvrage Un thé dans la toundra/Nipishapui nete mushuat. Un recueil de poème, imprimé en français et en innu-aimun, remet la littérature amérindienne au goût du jour. Notre journaliste Marie-Ange Zibi s’est penchée sur cette problématique dans son texte De l’oral à l’écrit. Nous sommes encore bien loin d’une section complète destinée à la littérature autochtone dans les librairies. Un jour, peut-être.
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Parlant de déclin, cela m’amène à une autre histoire de chute. C’est l’histoire d’un quotidien, longtemps réputé pour ses critiques affutées et sa grande connaissance du domaine artistique. Peu à peu, le magazine gratuit a périclité dans sa distribution et au sein même de son équipe. Des chroniqueurs contestés et un contenu qui s’étiole, c’est la nouvelle définition du journal Voir.
Après Hour et Mirror qui ont disparus des présentoirs, je ne serai pas surprise de voir le même sort arriver à cet hebdomadaire culturel. Je ne le retrouve plus dans son ancien emplacement aux tourniquets du métro de la sortie St-Denis. Je ne fais même plus l’effort de le chercher ailleurs tant le magasine s’engage sur une pente descendante. Depuis le départ de Tristan Malavoy, les rédacteurs en chef se suivent et se succèdent à une vitesse folle. Un plus politique, un autre poétique, ça fait belle lurette que je ne lis plus un éditorial jusqu’à la toute fin. D’ailleurs, une des récentes éditions du journal n’avait même pas de section éditoriale, coupée à la mise en page. Sans parler de la section Voir la vie, un pénible cahier publicisé qui s’agrandit au fil des parutions. Le journal a d’ailleurs été blâmé l’année dernière devant le Conseil de presse pour ses publireportages trompeurs.
Je ne commenterai même pas le nouveau site Trouble.Voir, qui a déjà eu droit à une crucifixion digne de ce nom sur la place publique. Un commentaire de plus ou de moins, à quoi bon. Le journal peut-il remonter la pente? Je lui souhaite. Voir avait et a encore de bon journalistes et chroniqueurs, qui contribuent grandement à mettre de l’avant les artistes de la relève. Mettre en Une un nom plus ou moins connu est un risque honorable qui mérite d’être prolongé. En espérant que le contenu remontera lui aussi la pente.
Marion Bérubé
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca
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