Tous en Namibie

Reporters sans frontières a fait connaître, la semaine dernière, la situation de la liberté de presse dans le monde. Trop de noir, beaucoup de rouge, une avalanche d’orange et malheureusement trop peu de blanc. Le blanc, c’est pour indiquer que la situation de la presse est bonne. C’est la légende en bas de la carte qui me l’a dit. Le Canada est blanc. Tout va bien selon Reporters sans frontières. Mais pour encore combien de temps? Il n’y a pas de doute qu’avec Stephen Harper aux commandes du pays, la liberté de presse est sur une dangereuse pente descendante.

Un caméraman qui pose des questions, des journalistes qui s’interrogent, il en faut peu au Premier ministre pour monter sur ses grands chevaux. En claquant la porte aux journalistes et en refusant de répondre à leurs questions, il se distancie une fois de plus de ses citoyens et ouvre la porte à une dangereuse culture de censure médiatique. Il me semble que la «transparence» dont on parle tant à Montréal devrait donner des idées au Premier ministre. Un discours sur Twitter ce n’est pas le signe d’une démocratie en santé.

Le rôle des journalistes, parmi tant d’autres, est de maintenir à flot la démocratie, de sonner l’alarme quand quelque chose cloche. Non seulement le Premier ministre du pays a maille à partir avec les journalistes en personne, mais il les fait aussi languir à distance. La Loi sur l’accès à l’information, loin de faciliter la communication, est devenue un sévère exercice de patience. La commissaire fédérale à l’information, Suzanne Legault, en entretien avec Le Devoir, a affirmé que le régime d’accès à l’information était «sur le point d’imploser». Encourageant. Très encourageant.

À une époque où l’opinion fait souvent figure d’information, le rôle des journalistes est de plus en plus important. Une ironie peut-être que j’en fasse la mention, moi qui me permet de dire ce que je veux dans les pages d’un journal, mais reste que je suis consternée par le fait qu’on puisse croire qu’il est possible de réduire le rôle des journalistes à de simple vulgarisateurs de messages. Un journaliste est plus qu’un facteur, il ne peut se contenter d’une simple pile d’information à distribuer sans se poser de questions. On nous le dit, on nous le répète et je le crois aussi fermement, devenir journaliste, c’est s’investir d’une mission à plus ou moins grande portée, mais ça reste tout de même une mission: celle de garder notre démocratie en santé. De protéger notre démocratie, tout court.

Le Canada tel qu’il est vu par le gouvernement Harper fait mal aux journalistes. Et faire mal aux journalistes, c’est s’attaquer, pardonnez ma naïveté, à cette petite tranche de rêveurs qui, mus par l’indignation, croit qu’il est encore possible de faire changer les choses.

Je retourne à ma carte. Ils ne sont qu’une dizaine à briller d’un beau blanc éclatant. Même les États-Unis, d’un orange pâle, ont quitté le club select. Reste la Finlande et ses voisins du froid, bien sûr. Le Canada, mais pour combien de temps encore? Et la Namibie. Si ce n’est pas la terre promise, au moins il y fait chaud. Justement, je cherchais quoi faire après mon bac.

Sandrine Champigny
Rédactrice en chef
redacteur.campus@uqam.ca

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