À un train d’enfer

Le député François Rebello a trouvé son chemin de Damas. Vivement critiqué, il continue d’avancer à fond de train sur la voie de la Coalition Avenir Québec.

Les voyageurs vont et viennent dans la gare Lucien-L’Allier, une valise à la main. Les trains s’éloignent dans un vrombissement assourdissant. François Rebello, lui, a pris son bagage politique et va bon train, direction la Coalition Avenir Québec (CAQ). Assis au petit café de la gare, l’homme bien connu pour ses sourcils froncés tape vigoureusement sur la table, ponctuant ses idées. Même après les nombreux débats sur son passage du Parti québécois (PQ) à la CAQ en janvier dernier, ses convictions ne semblent pas tarir. Si certains l’ont accusé d’opportunisme, le transfuge atteste que c’est surtout la vision économique du parti qui l’a persuadé de monter dans le train en marche.

«J’ai la conviction profonde que le Québec peut faire beaucoup plus en terme d’entreprenariat», lance le député de La Prairie. C’est à l’époque où il était président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), de 1994 à 1996, qu’il a découvert l’influence des marchés financiers. «J’ai alors participé au premier sommet sur l’avenir socio-économique de la province, note-t-il, visiblement passionné. Ça a beaucoup marqué ma relation avec la politique.» En avalant tranquillement son café brûlant, l’ancien président se remémore en souriant ses années d’engagement étudiant. «Nous avons eu une période relativement facile, parce que c’était le Parti québécois qui était au pouvoir, admet-il. Nos relations étaient très bonnes.» Ne voulant pas se prononcer sur le mouvement étudiant actuel, François Rebello s’enorgueillit plutôt de ses exploits. «Ma plus grande réalisation à la FEUQ, c’était l’augmentation du membership. Il a au moins doublé pendant mes années à la présidence.»

Alors finissant au baccalauréat en science politique à l’Université de Montréal, il s’est ensuite tourné vers les sciences économiques et a fondé une entreprise d’investissements responsables en 1999. «Je ne voulais pas faire de la politique directement, je voulais faire de la business. Il fallait que je connaisse bien la réalité économique avant de prendre des décisions politiques», tranche-t-il. Selon lui, sa décision de passer du PQ à la CAQ se justifie d’ailleurs par cet aspect de sa personnalité. «J’ai toujours été fasciné par François Legault parce qu’il incarne lui aussi cette vision d’entrepreneur», laisse-t-il simplement tomber. Derrière son sourire de politicien, fier et orgueilleux, le souvenir des précédentes controverses sur sa volte-face idéologique se fait toutefois sentir. L’homme politique demeure prudent et n’ose pas s’aventurer davantage sur le chemin glissant de la légitimation de ses décisions.

Le député de Drummond et porte-parole en matière de langue, immigration et communautés culturelles, Yves-François Blanchet, ne se gêne pourtant pas pour critiquer la décision de son ancien collègue. «J’ai fait de la politique avec lui et je peux dire que c’est un politicien de talent, certes, mais qui a mis sa carrière loin devant ses idées», déclare-t-il. Fort de ses certitudes, le député de la CAQ rétorque avec un grain de sel. «Il faut s’accrocher aux critiques positives. Il y a toujours des critiques négatives, c’est certain, mais il faut se dire que ça fait partie du jeu.»

Jeune loup
Bien qu’il s’avoue fatigué de la fameuse dualité gauche-droite, il demeure fondamentalement un homme aux tendances gauchistes. Il tente ainsi de géminer son discours économique à un idéal plus social. Cette vision dont il se targue lui vient de son enfance. «Mon père, qui vient de la région de Goa en Inde, est décédé quand j’étais jeune, relate-t-il, attendri. Ma mère, une femme très engagée, m’amenait dans des organismes communautaires dans lesquels elle s’impliquait.» Le député raconte que sa mère est ainsi un point cardinal dans sa vie professionnelle. «Très jeune, j’ai vu beaucoup d’enjeux à travers son implication. Tout ce côté social marque énormément mon engagement politique.»

Papillonnant d’un sujet à un autre, François Rebello soutient que c’est par le sport qu’il a appris à rester droit dans l’adversité. «Mon leadership s’est beaucoup développé grâce à ça», estime l’ancien joueur de handball qui a notamment fait partie du programme national et de l’équipe du Québec. À 41 ans, l’activité physique garde une place importante dans sa vie. «Je joue au tennis avec mon fils, je fais du jogging et de l’équitation.» Selon lui, il ne faut pas négliger le côté compétitif qui transcende les sports. «C’est comme en politique. Il y a toujours un gagnant et un perdant. Tu n’es pas un méchant parce que tu perds, ça fait partie du jeu.» D’après l’ex-péquiste, il est primordial de comprendre cette réalité pour avoir le courage de ses convictions.

Les voyageurs se dirigent sur la plateforme d’embarquement au pas de course et entrent un à un dans les voitures. François Rebello termine son café à petites gorgées. Son esprit communautaire, autant que sa passion pour le sport et ses idéaux économiques, lui auront appris que rien n’est gagné d’avance. «Il faut qu’on gagne les prochaines élections avec François Legault. C’est un énorme défi», déclare-t-il, une pointe d’inquiétude au creux de la voix. «À mon avis, si on gagne, ça va amener beaucoup de changement sur le développement économique québécois», s’empresse-t-il d’ajouter, rasséréné. Voilà le paradoxe de ses convictions: à la croisée des chemins, il ne voudrait certainement pas avoir l’impression qu’il a manqué le train.

Photo: Courtoisie François Rebello

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