Chèques et maths

«Chers passagers étudiants de l’Université du Québec à Montréal, nous traversons actuellement une zone de turbulence financière. Veuillez boucler vos ceintures et pencher vos têtes vers l’avant. La direction de l’Université tentera sous peu de rétablir la situation en freinant l’embauche des professeurs et en ralentissant les rénovations nécessaires à votre campus. Pendant cette période, nous vous conseillons d’éviter les lieux sans échafauds.»

Dans l’article «Ravaler la façade», la journaliste Camille Carpentier dévoile que l’Université du peuple peine à voir la lumière au bout de ses échafauds. Un bien vilain détail pour une institution du savoir en plein centre-ville. Contrairement à ses vieilles consœurs sur le flanc des montagnes – l’Université de Montréal et McGill – l’UQAM piétine sur l’espace urbain de la Ville de Montréal. Ce qui la laisse sans grande marge de manœuvre pour faire des rénovations nécessaires sans se ruiner. Surtout que le portefeuille, lui, n’est pas très étoffé. Un déficit plus important que prévu vient troubler l’avenir fragile de l’UQAM. Les différents départements d’enseignement de l’institution ont appris le 24 février dernier qu’au terme d’une révision de son budget, l’Université met en suspens l’embauche de 77 nouveaux professeurs, et ce malgré les concessions qu’elle avait faites lors de la grève des professeurs en 2009.

Ces dernières années avaient pourtant été encourageantes financièrement. Après avoir misé sur une hausse d’admission pour renflouer ses coffres, l’Université a vu son effet rayonner au-delà de ses espérances. L’été dernier, le recteur de l’UQAM, Claude Corbo, a même dû essuyer ses grandes lunettes en apprenant que la Dominion Bon Rating Service, seule agence de notation au Canada, avait relevé la cote de crédit de l’institution – passant d’un adéquat BBB à un A plus qu’approbatif. Un retour à de meilleurs jours pour l’Université qui quelques années plutôt s’était embourbée dans un énorme déficit budgétaire avec la construction à demi achevée de l’Îlot voyageur.

Mais, le pari uqamien est toujours loin d’être gagné. L’automne dernier, le conseil d’administration de l’Université du peuple a approuvé un Plan directeur immobilier (PDI) de 35 M$ pour les quatre prochaines années sous le format d’un document de quelques pages. Le projet prévoit l’investissement d’environ 25 M$ pour repositionner les facultés sur le campus et quelque 9 M$ pour la construction de deux nouveaux étages sur la toiture délabrée du pavillon Judith-Jasmin. Cet énorme remue-ménage devrait libérer de l’espace aux prochains étudiants uqamiens plus nombreux et plus regroupés par domaine d’étude. Un plan qui, à l’heure de la hausse des frais de scolarité, perd de son sens.

Il serait possible qu’un nombre plus restreint d’étudiants intègre les rangs de l’UQAM dans les prochaines années, si une hausse des frais de scolarité n’est pas bloquée. La direction de l’Université nie pourtant cette possibilité, préférant accuser les grévistes d’une déconfiture aux admissions de la session prochaine. Mais qu’en est-il vraiment? Avec des Services à la vie étudiante de plus en plus anémiques (voir l’article Reprendre son souffle), un campus sous le joug des échafauds et un gel d’embauche des professeurs, l’Université du peuple n’a pas la meilleure candidature. Et dans la perspective actuelle, l’UQAM ne peut s’endetter davantage tant que son PDI la place au pied du mur. Un mur qui, si l’on se fie à certains rapports, court de graves risques d’éboulements.

Williams Fonseca-Baeta
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca

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