Quête d’un destin

Dublin 1898. Une grave crise économique frappe l’Irlande, contraignant sa population à vivre dans des conditions de vie très difficiles. Pour s’en sortir, une femme a trouvé comme seule solution de se faire passer pour un homme. Elle s’appellera Albert Nobbs et travaillera sous cette identité comme majordome dans un hôtel de Dublin. On assistera alors au cheminement ardu de cette femme dont le rêve ultime est d’avoir un magasin de tabac. Pour ce faire, après avoir rencontré une femme dans la même situation qu’elle (mais visiblement lesbienne), par mimétisme, Nobbs tente d’épouser la femme de chambre de l’établissement pour mener son projet à terme.

Le film de Rodrigo Garcìa, adapté de l’œuvre de George Moore, a un contenu dense et bien établi, ce qui est tout en son honneur. Il est question de la volonté inébranlable d’aspirer à un destin extraordinaire, en dépit des obstacles sociaux. On parle d’homosexualité, fort réprimée à l’époque. La réflexion porte aussi sur l’abus de pouvoir des riches sur les classes subordonnées. Enfin, le film soulève les questions de la quête de soi ainsi que de la fatalité de la vie. Par contre, au plan dramatique, le constat est moins reluisant. Les éléments faisant avancer le récit sont rares. Le spectateur reste donc sur sa faim. On a aussi de la difficulté à saisir le personnage principal, qui n’a ni sexualité ni vie sociale significative. Sa vie intérieure, visiblement très chargée, n’est pas du tout explorée. Résultat: on ne saura finalement pas grand chose sur ce personnage opaque et enfermé dans le carcan qu’il s’est lui-même construit.

En revanche, la performance de Glenn Close, l’interprète d’Albert Nobbs, est criante de vérité. Elle incarne à merveille ce tiraillement intérieur vécu par cette femme à la fois pétrifiée par son propre rêve, mais qui s’oublie aussi elle-même à travers une autre identité. La musique du film nous transporte très bien dans cette Irlande austère de la fin du XIXe siècle. Notons enfin une réalisation solide où les gros plans abondent, montrant des personnages fragilisés par les conditions de l’époque. La caméra à l’épaule, aussi présente à quelques reprises, donne du dynamisme visuel à une œuvre qui piétine au plan dramatique. Bref, un film pertinent par son propos et son esthétisme, mais qui est loin de son potentiel dramatique.

Albert Nobbs de Rodrigo Garcìa, coproduction France-Royaume-Uni-Irlande, 113 minutes.

En salle depuis le 3 février.

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