Chahut au bahut

Le stress quotidien peut mener des étudiants au bord du gouffre. Il peut même à l’occasion amener les universitaires les plus brillants à faire des choses stupides, comme écouter des télé-réalités le dimanche soir. Même si cette activité peut paraître malsaine, elle n’est rien comparée à celle à laquelle se livrent certains étudiants de l’UQAM depuis peu. Et là, je vous parle d’un nouveau concept bien particulier. Il s’agit de l’AG-réalité.

Le 23 janvier dernier s’est tenu une assemblée générale pour les étudiants en langues et communication de l’UQAM à la Salle Marie-Gérin-Lajoie. Cette réunion qui devait, à priori, rassembler le plus grand nombre d’étudiants autour d’un débat sur les frais de scolarité est devenue un spectacle digne d’une télé-réalité. À l’exception d’un plateau de tournage, tous les éléments étaient présents pour la conception d’un épisode de Loft Story. Sous un ton faussement dramatique, des vedettes estudiantines et des militants idéalistes se sont échangé le microphone pendant plus de trois heures, et cela sans pause publicitaire. Au comble de cette confrontation, une étudiante a même soumis une motion pour le droit de rêver. Malheureusement pour elle, Martin Luther King Jr. n’était pas présent pour l’appuyer avec son «I have a dream».

Pourquoi autant de dramatisation? Et bien, parce que cette semaine-là, la motion en danger était celle de la gratuité scolaire. Cette proposition, lourde de sens, aurait très bien pu être adoptée sans anicroche dans une assemblée antécédente. Pourtant, à l’aube d’une grève générale illimitée et d’une possible adhésion à la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), la motion avait une tout autre signification. Elle allait déterminer le ton que prendrait l’Association facultaire étudiante des langues et communication (AFELC) dans de futures négociations avec le gouvernement. Autant vous dire que si cette association emploie le même ton que ses membres en assemblée générale, elle aura franchement l’air ridicule.

La réalité est qu’avant même le 23 janvier, le débat était déjà terminé pour la moitié des étudiants présents à l’assemblée. De là, le spectacle déplorable qui en a résulté. Entêtés à faire un «Vote and run» sans argument, un peu plus de la moitié des personnes présentes ont bloqué la tenu d’un débat, allant jusqu’à empêcher le porte-parole de la CLASSE de prendre le micro et coupant court aux discussions pour proposer le plus rapidement les grandes questions du jour. Résultat, la motion pour la gratuité scolaire a été battue par 175 voix contre 139. Quelques secondes après le suffrage, des étudiants ont crié victoire sur les réseaux sociaux. Les voix de ces derniers ont d’ailleurs résonné très fort sur la Toile. Le mot clé #agafelc était, cet après-midi-là, la mention la plus citée à Montréal sur le réseau Twitter, devant Léon Mugesera et la famille Shafia.

Même s’il s’agissait de l’assemblée générale la plus peuplée depuis quelques années à l’AFELC, on ne peut pas parler d’une victoire. Quand des membres débattent pendant trois heures pour avoir le droit de débattre, on se pose des questions. En fait, c’est l’incertitude, le grand gagnant de cette assemblée. L’AFELC est aujourd’hui plus divisée que jamais. Et elle ne gagnera pas en stabilité d’ici le 14 février, le jour du vote pour la grève générale. J’espère seulement que la prochaine fois, on évitera de faire de l’AG-réalité et que les étudiants passeront à la parole plutôt qu’à la dérision. Désolé, chers étudiants en langues et communication, dans le genre, spectacle-réalité sordide, Star Académie fait déjà mieux.

Williams Fonseca-Baeta
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca

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