«La mort convoque. C’est ainsi. Elle nous écarte pour un temps du rythme du monde et nous met en arrêt.» Le tocsin a sonné, mais personne ne l’a entendu. C’est souvent ainsi lorsque quelqu’un meurt, on n’entend pas l’alarme, seulement le glas. Zio Négus est mort et comme chaque fois qu’un vieillard meurt c’est «une bibliothèque qui brûle», comme le disait si bien l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ. Singulier personnage que Zio Négus, il aura fallu attendre sa mort afin que les habitants de cette petite ville de Sicile puissent réaliser ce qu’il représentait.
Cette atmosphère, dans laquelle nous emporte le premier récit de Les Oliviers du Négus, dernier recueil de nouvelles du français Laurent Gaudé, est tirée du récit éponyme qui ouvre le bouquin. Gaudé, véritable cousin d’un Maupassant ou d’un Poe, ne s’essouffle pas après avoir obtenu le Goncourt pour son roman Le soleil des Scorta en 2004. Dans quatre nouvelles aux antipodes, il parvient toutefois à réunir quelques thèmes récurrents qui donnent corps à l’ouvrage. On est dans la mort, la guerre, dans notre rapport à la nature et son rapport à nous. Le surnaturel est omniprésent même s’il est loin d’occuper l’avant-plan. C’est bref et puissant comme les petits chapitres de deux à trois pages employés. Chaque fois, c’est dans la tête du personnage qu’on évolue, libres de suivre ses pensées à un moment critique de sa vie.
Et on saute d’un univers à l’autre. Le bâtard du bout du monde nous emporte aux côtés d’un centurion romain. Il assiste à la chute de Rome après avoir rencontré d’étranges barbares aux confins de l’empire. Véritable messager de la mort, il nous livre un dernier discours sur la grandeur de Rome, mais celle aussi, de la «bête», cette incarnation de la mort qui sévit partout dans un étrange chaos.
Dans Je finirai à terre, Gaudé met en scène la vengeance de la terre sur les hommes qui n’ont de cesse de la pilonner impunément, au fil des guerres. Coup de cœur au dernier récit qui nous met dans la peau d’un juge sicilien, constamment menacé par la mafia, qui voit la mort à chaque coin de rue. Il relate cette guerre d’un autre type, l’immense conviction de ces juges qu’on tente d’écraser à coup d’argent sale et d’explosifs.
Les Oliviers du Négus, Laurent Gaudé, Actes Sud/ Léméac, 2011, 158 p.
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