En zappant frénétiquement d’une chaîne à l’autre, l’impression que la télévision diffuse les créations et la diversité d’ici est illusoire. Le contenu est bien souvent emprunté à d’autres pays et adapté à la sauce québécoise. Portrait d’un petit écran d’occasion en perte d’originalité.
Assis confortablement dans le sofa, télécommande à la main, plusieurs se hâtent d’allumer le téléviseur pour apprécier avec fierté la télévision d’ici. Tout en plongeant une main dans le sac de croustilles, les téléspectateurs ignorent qu’ils encouragent davantage de créateurs américains, français, allemands, britanniques ou australiens que de québécois. Alors que l’on croit assister à une multitude d’œuvres originales, elles s’avèrent souvent inspirées de concepts étrangers.
Les dimanches soirs, le Québec se tourne vers Occupation double et Tout le monde en parle; des concepts dupliqués mondialement. Force est de constater que les formules importées sont celles qui font exploser les cotes d’écoute. «Il est parfois moins risqué d’acheter un concept qui fonctionne bien à l’étranger afin que ça plaise à notre clientèle», plaide Claude Deraîche, directeur des communications chez MusiquePlus et Musimax. Une garantie de réussite qui n’est pas absolue lorsqu’il s’agit d’un nouveau scénario, comme le confirme la directrice générale de la programmation à Télé-Québec, Catherine Lejeune.
Une étude du télé-horaire réalisée pour le compte de Yahoo! Québec par le chroniqueur et journaliste Steve Proulx, en février dernier, dresse un portrait plutôt sombre de la situation. Il s’est penché uniquement sur les émissions conçues et produites au Québec, diffusées du lundi au vendredi, entre 18h et 23h. Parmi les quatre chaînes généralistes – TVA, Radio-Canada, V et Télé-Québec – Radio-Canada remporte la palme grâce à une programmation québécoise à 96%. V faisait piètre figure avec à peine 28%. À part l’émission du «gros cave» – Jean-François Mercier – et celle de Mario Dumont, la chaîne des frères Rémillard accumule les concepts étrangers comme Un souper presque parfait (britannique), The Price is Right (américain), Remise à neuf (israélien) et Atomes crochus (américain). Elle présente également plusieurs séries traduites comme Glee. De leur côté, TVA et Télé-Québec s’en sortaient respectivement avec 74% et 70%.
«Ce n’est pas faute de recevoir de bons projets avec de bonnes idées de la part des créateurs québécois», soutient Catherine Lejeune. Même si plusieurs reprochent aux télédiffuseurs de ne pas être assez audacieux, ceux-ci prennent souvent le pari d’accepter des idées québécoises, selon la directrice générale de la programmation à Télé-Québec.
«C’est une science. Il faut faire les bons dosages selon ce que les autres chaînes offrent à la même heure», estime Claude Deraîche, qui a travaillé à TQS auparavant. Certaines chaînes paient des fortunes pour acquérir des formules connues mondialement puisqu’elles ont une grande valeur sur le marché.
«La notion de format étranger peut être relativement contraignante», affirme quant à elle la chef de promotion télévision et information à Radio-Canada, Nathalie Moreau. Elle explique que les émissions de variétés importées doivent conserver quelques éléments de la version originale, comme le décor ou le format. «On ne peut donc pas dire que Radio-Canada peut “adapter” à sa manière», tranche-t-elle.
À l’opposé, certaines versions sont très dissemblables du concept original, qui ne sert finalement que d’inspiration à la formule diffusée, assure Catherine Lejeune. Il suffit d’obtenir l’accord du créateur initial et le tour est joué.
Made in Quebec
La télévision d’ici n’est cependant pas la seule à tomber dans le panneau. Plusieurs créations québécoises originales ont été exportées, dont Les Invincibles et Les Bougon qui ont été adaptées en France. «En vendant à l’extérieur, c’est comme de la confiture sur les toasts des producteurs, puisque la conception est déjà toute payée», affirme Claude Deraîche. Il ajoute que les coûts d’une production québécoise sont nettement plus élevés que l’achat de formules «tout inclus».
«Il n’est pas toujours simple de bâtir une grille horaire», admet le directeur des communications pour MusiquePlus et Musimax, Claude Deraîche. Selon les obligations du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, les télédiffuseurs sont contraints à combler et respecter un certain format de grille horaire.
Si une tendance à l’achat de formules étrangères est notable, elle varie cependant selon les saisons, qui elles, sont ponctuées par le renouvellement de la grille télé. La présence d’œuvres québécoises dans nos écrans dépend donc de la qualité et de la quantité de projets suggérés. Chose certaine, il est difficile pour le téléspectateur néophyte d’identifier les concepts étrangers. Un simple sous-titre en petits caractères dans le générique rappelle que la télévision québécoise n’est pas vraiment québécoise.
Illustration: Dominique Morin
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