Les faussaires

Plus que jamais, les consommateurs canadiens refusent de gober les bobards qui défilent devant leurs yeux dans les médias. Ils sont de plus en plus nombreux à porter plainte chaque année pour dénoncer les publicités mensongères. 
Illustration: Dominique Morin
 
Les consommateurs canadiens ont soumis 1 228 plaintes pour publicité abusive en 2009-2010. Une hausse de 9,7% par rapport à l’année précédente selon les rapports annuels des Normes canadiennes de la publicité (NCP), l’organisme national d’autoréglementation de la publicité. Bien que cela n’implique pas forcément une hausse des publicités mensongères en tant que tel, c’est  une augmentation marquée des plaintes de 18,1% qui sévit depuis 2006-2007. «Les publicités consistent à raconter des histoires, explique la directrice des communications pour le NCP, Danielle Lefrançois.
 
Aujourd’hui, les entreprises veulent se démarquer et utilisent des messages ingénieux et accrocheurs. Mais rendre beau ne rend pas plus vrai.» 
Les publicités les plus mensongères sont celles vantant les produits alimentaires, les biens de divertissements et les automobiles, toujours selon les rapports annuels du NCP. «En ce moment, la Honda Civic DC est affichée à 16 500 $, avec un rabais de 3 000 $. Mais ce prix comprend seulement la boîte manuelle, donne en exemple George Iny, le président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). Souvent, les concessionnaires détournent aussi la réalité en demandant des versements bimensuels, afin de faire paraître les montants plus petits.»
 
Plus de 50% des plaintes concernent les publicités diffusées à la télévision. «À la télé, les annonceurs utilisent tous les décors et les effets visuels  pour camoufler l’essentiel du message et pour que les téléspectateurs ne réalisent pas que le message, au fond, est parfois faux», ajoute Danielle Lefrançois. Pour Elise Thériault, conseillère juridique chez Options Consommateurs, l’organisme qui défend les intérêts des acheteurs, les publicités peuvent mentir de plusieurs façons. «Elles peuvent être tout simplement fausses, omettre des faits, confiner des informations importantes aux textes en petits caractères ou présenter des faits incomplets où l’auditeur va compléter lui-même l’information.»
 
Options Consommateurs chapeaute présentement un recours collectif contre The Brick Warehouse à la Cour supérieure du Québec. Avec son fameux slogan «Ne payez rien pendant 15 mois!», la compagnie arnaquait littéralement les clients. «Les petits caractères au bas de l’annonce indiquaient en réalité que des frais annuels de 35 $ étaient applicables, explique Elise Thériault. Or, 35 $ n’est pas « rien ».» 
La police de la pub
NCP et l’Office de la protection du consommateur (OPC), organisme qui veille depuis maintenant 40 ans à faire appliquer la Loi sur la protection du consommateur, sont les deux principaux organismes chargés de recevoir les plaintes des consommateurs. Créé par l’industrie de la publicité en 1957, NCP a instauré cinq conseils, répartis sur tout le territoire canadien, afin d’assurer le traitement objectif, équilibré et équitable des plaintes des consommateurs. 
 
Si NCP se charge seulement de récolter les plaintes des Canadiens, c’est à l’OPC que revient le droit d’imposer des sanctions aux entreprises diffusant des publicités outrancières. «En quelque sorte, c’est nous qui faisons la police, expose le porte-parole de l’OPC, Jean-Jacques Préaux. On se charge de porter les plaintes devant la justice.» En 2009-2010, l’Office a mené 211 interventions juridiques et a imposé des amendes totalisant plus de 425 000 $. 
 
George Iny, président de l’APA, dénonce les entreprises qui ajoutent des frais à leurs prix déjà annoncés, une pratique courante bien qu’illégale. «La Loi sur la protection du consommateur a proscrit cette pratique au Québec, mais encore beaucoup de concessionnaires enfreignent la loi, indique-t-il. L’OPC en est conscient, mais ferme trop souvent les yeux.» Le président de l’APA souligne que l’OPC peut montrer les crocs en donnant comme exemple les poursuites contre Air Canada. Le transporteur aérien demandait des prix supérieurs à ceux annoncés dans ses messages publicitaires. L’OPC à déposé la semaine dernière 17 chefs d’accusation contre la compagnie aérienne, qui risque des amendes de plus de 40 000 $ si elle est reconnue coupable.
«C’est si facile de tromper le consommateur avec des représentations qui portent à confusion, affirme George Iny. Mais un annonceur qui fait de la mauvaise publicité ne fait pas de mal seulement à son image, mais à la population entière.»

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