À contre-courant

C’était un secret de Polichinelle depuis un an. La pire crainte des mouvements étudiants a été confirmée il y a quelques jours à l’issue du budget provincial 2011. Après avoir subi une hausse des frais de scolarité de 50 $ par session pendant cinq ans, depuis 2007, les étudiants québécois verront leur facture croître à un rythme trois fois plus soutenu après 2012. Au terme de la hausse prévue de cinq ans, à l’hiver 2017, il en coûtera 3 793 $ par année aux étudiants à plein temps pour fréquenter les hauts lieux du savoir québécois. En 10 ans, la facture des étudiants de la Belle Province aura plus que doublé, passant de 1 668 $ en 2007 à 3 793 $ en 2017.
 
Pourtant, malgré cette hausse conséquente, la facture des étudiants québécois restera loin de la moyenne canadienne de 5 138 $ en 2010-2011, et elle risque de continuer à croître d’ici 2017. À l’issue de cette hausse, à moins d’une diminution importante des frais exigés, toutes les provinces canadiennes hormis Terre-Neuve-et-Labrador et le Manitoba demanderont à leurs étudiants un montant supérieur à la somme exigée au Québec. 
 
Grâce aux 850 millions en revenus additionnels injectés dans les universités québécoises au terme du plan en 2016-2017,  le sous-financement chronique de nos universités devrait être chose du passé. Plombées par un déficit cumulé d’un demi-milliard de dollars, les universités québécoises auront les moyens d’améliorer les ressources offertes aux étudiants ainsi que leurs infrastructures souvent vétustes. De plus, moins du tiers de ce montant proviendra de l’augmentation des frais de scolarité, soit 265 millions. Les étudiants, bien qu’ils payeront davantage, ne seront pas seuls à délier leurs cordons pour ce réinvestissement en éducation supérieure puisque les contribuables défrayeront la majeure partie du montant, soit 430 millions.
 
En plus d’être étalée sur cinq ans, ce qui permettra d’amoindrir le choc, la hausse des frais de scolarité sera compensée par une augmentation de 21,5% de l’Aide financière aux études (AFE). En effet, 116 millions, soit 35% des sommes obtenues grâce à la hausse des frais, seront injectés dans le programme de prêts et bourses. Actuellement, presque un étudiant sur quatre inscrit à plein temps est aidé grâce à l’AFE. Ces 70 000 étudiants se partagent 475 millions. 
 
Malgré tout, cette hausse des frais risque d’accroître l’endettement étudiant comme ailleurs au Canada. Les étudiants du pays ont vu leur facture doubler en 20 ans, faisant gonfler l’endettement moyen des étudiants au baccalauréat à plus de 20 000 $ en 2005, selon Statistique Canada. Toutefois, 46% des bacheliers terminent leurs études sans aucune dette et parmi ceux qui sont endettés, le quart parvient à rembourser la totalité de leurs dettes deux ans après l’obtention de leur diplôme. 
 
Dans tous les cas, malgré le risque d’endettement, les étudiants ont tout avantage à étudier. Bien que leur persévérance scolaire a des répercussions positives sur l’ensemble de la société, les étudiants sont les plus grands bénéficiaires de leurs études. En plus d’être presque trois fois moins susceptibles d’être au chômage que ceux qui ne terminent pas leur secondaire, ils gagneront presque un million de dollars de plus au cours de leur vie active que les détenteurs d’un diplôme secondaire.
 
Cette hausse importante des frais de scolarité est notamment due au manque de courage politique des différents gouvernements québécois. Si, dès 1968, les frais de scolarité, alors de 500 $, avaient été indexés à l’inflation, il en coûterait actuellement 2 385 $ par année aux étudiants québécois. Une hausse graduelle aurait permis à la société de s’adapter à ce montant, tout en garantissant une justice intergénérationnelle. Une telle indexation aurait surtout évité d’importantes hausses en peu de temps, comme celle que les étudiants auront connue entre 2007 et 2017. 
 
Néanmoins, après 2017, le gel des frais de scolarité n’est pas une option. Le Québec, aux prises avec un important déséquilibre démographique qui fera diminuer dès 2014 sa population active, devra continuer d’investir massivement dans les universités québécoises s’il veut rester compétitif face au reste du monde. Toutefois, compte tenu de l’augmentation conséquente des frais depuis 10 ans, une indexation des frais de scolarité arrimée à l’inflation semble être après 2017 la solution idéale.
 
Louis-Samuel Perron
uqam.campus@uqam.ca

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