La Quête

«Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.» Cette maxime d’Albert Londres, célèbre journaliste français du début du siècle passé, continue d’inspirer des générations de journalistes, tant dans les grands médias que dans la salle de rédaction du Montréal Campus. Son reportage-choc sur le traitement des bagnards français en Guyane en 1923 avait ébranlé l’Hexagone. L’idéal journalistique moderne – l’éternelle quête de l’objectivité et de l’intérêt public – dont Londres a été un précurseur, à l’instar des John Hersey et Lincoln Steffens, n’a toutefois pas toujours existé. À l’époque, l’opinion des journalistes régnait dans les médias, lorsque ceux-ci n’étaient pas les simples porte-voix d’une idéologie précise.

Cent ans après l’émergence des «muckrakers», l’ancêtre du journalisme d’enquête, la profession a subi de nombreux bouleversements, dont la plus importante, la révolution numérique, coïncide avec une érosion du lectorat et une sévère période de rationalisation des coûts. Même si les temps sont durs pour la presse, les grands médias occidentaux continuent de jouer leur rôle de 4e pouvoir de la démocratie. Or, en cette ère de concentration et de convergence, les journalistes épris d’objectivité ont de plus en plus de mal à «mettre la plume dans la plaie», comme l’évoquait Londres dans son ouvrage Terre d’ébène. Les contraintes de temps, d’espace, d’intérêts et d’argent rendent maintenant difficiles, voire impossibles dans beaucoup de cas, les enquêtes de longue haleine, surtout pour les plus petits médias.

Dans la même veine, les journaux étudiants ont aussi subi leurs lots de transformations. Très politisés, les médias estudiantins d’il y a 50 ans substituaient l’opinion à l’objectivité, à l’instar des journaux du début du siècle. Les vestiges de ces publications revendicatrices subsistent encore dans la plupart des universités, embrigadées au service d’une cause ou d’une autre. Ce n’est évidemment pas le cas du Montréal Campus, qui depuis sa fondation il y a 30 ans informe avec objectivité la communauté universitaire sur les enjeux d’intérêt public.

Tels les grands médias, les journaux étudiants sont aux prises avec les mêmes problèmes que leurs grands frères. La baisse des revenus publicitaires et le lectorat limité affectent les publications universitaires, réduisant leur capacité à jouer leur rôle de 4e pouvoir. Dans ce contexte, qu’un journal comme le Montréal Campus ait pu conserver son indépendance malgré ces conditions difficiles est un exploit et une richesse.  Grâce à cette indépendance, les journalistes peuvent enquêter sans entraves sur les «gouvernements» de son lectorat, soit l’Université et les associations étudiantes. Sans cela, impossible pour les artisans du Montréal Campus de mettre depuis 30 ans «la plume dans la plaie.»

Néanmoins, les journaux étudiants québécois peuvent faire davantage afin d’accomplir leur mission d’information. Les exemples cités dans l’article du journaliste Raphaël Bouvier-Auclair sont éloquents et démontrent que les médias universitaires ont un rôle à jouer à l’extérieur de la bulle estudiantine. Ils ne peuvent se cantonner à la simple anecdote ou tomber dans la complaisance. Ils doivent enquêter, défoncer les portes et scander haut et fort leur indépendance. Leur combat n’est pas la cause étudiante comme certains idéologues le pensent, mais plutôt l’incessante et inébranlable ascension vers l’essence de leur quête: la Vérité.

Louis-Samuel Perron
uqam.campus@uqam.ca

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