Des étudiants de l’UQAM spéculent à la bourse
Oubliez les petites jobs de serveur ou de téléphoniste à temps partiel. Entre les murs de l’UQAM, des étudiants investissent leurs bourses d’excellence, spéculent sur des produits boursiers à haut risque et font des emprunts bancaires aux pauses café.
Mardi matin, 9h02. Mathieu dégaine son iPod. Il consulte le cours boursier. D’un tapotement de l’écran, les actions achetées à bas prix deux heures plus tôt sont revendues plus chers. Des centaines de dollars de profits sont engrangés en quelques secondes. Ce geste serait anodin dans la frénésie de Wall Street. Sauf que Mathieu est un étudiant en gestion de l’UQAM qui surveille les aléas de la bourse pendant ses cours.
Le jeune homme de 23 ans, adepte de la très risquée spéculation boursière, consacre plusieurs heures par semaines à suivre les fluctuations des marchés. «Je fais de la spéculation pure et dure, ce qui veut dire que je vais investir une journée et que deux, trois jours plus tard, je vais revendre, explique-t-il. Ça peut aussi arriver que je fasse une transaction qui ne dure que quelques heures.»
Marek Rymarz investit lui aussi plusieurs milliers de dollars pour l’achat de titres boursiers. L’objectif de rendement de l’étudiant en droit à l’Université de Montréal est très élevé, soit de cinq à dix pour cent par semaine. En guise de comparaison, la Caisse de dépôt et de placements du Québec vise un rendement de sept à huit pour cent par année. Pour y arriver, il n’y a pas de secret: Marek spécule. «J’investis dans des actions qui sont volatiles dues à des nouvelles récentes et je les analyse avant de les vendre ou de les acheter. Mais il arrive aussi que je revende une action qui a remonté de 25 % quelques heures après que je l’ai acheté. C’est quand même plutôt risqué», raconte Marek, sans ciller.
Mais à force de jouer avec le feu, ne finit-on pas par se brûler? Nicolas Bellemare, étudiant en gestion à l’Université McGill, est lui aussi investisseur. Il se restreint cependant à un portefeuille d’actions à faible risque. «Personnellement, je pense que quelqu’un qui est aux études doit faire attention avec les placements à court terme, souvent très risqués», avertit celui qui s’intéresse au monde des finances depuis qu’il a 13 ans.
En effet, lorsque les travaux s’accumulent, Mathieu met sur la glace ses investissements. «À court terme, avec une petite somme d’argent, ça peut être très rentable, mais c’est stressant. Il y a des moments dans la vie où on peut moins se le permettre que d’autres, par exemple en mi-session ou en fin de session», souligne-t-il, un œil penché sur son iPod où défile le cours de l’action de Google.
Quitte ou double
Garder des actions sur une longue période pour quelques dollars de bénéfices n’intéresse pas Mathieu. «Je ne suis pas du tout un investisseur prudent, je cherche de l’adrénaline, explique-t-il la voix pleine de confiance. J’ai peut-être 3 000$ qui bougent comme ça et je ne pense pas les perdre totalement.»
Tant pis donc pour les sommes perdues dans les rouages de la machine capitaliste. «Mon but c’est de tester le système, de voir comment ça fonctionne et de développer mon instinct d’investisseur. Oui, il y a des coûts, mais ce sont des coûts quand même légers par rapport à ce que je pourrais perdre plus tard quand j’investirai des sommes plus importantes.»
Rien de mieux que la pratique pour se confronter à la réalité des marchés. Marek a eu le réflexe salvateur de retirer ses billes juste avant le dernier crash boursier. Coup de maître, il a su profiter de la reprise. De quoi rendre jaloux les grands fonds d’investissements, plumés par la débâcle.
Quant à Mathieu, il admet avoir investi des prêts étudiants alors qu’il était tout juste cégépien. « Avant je faisais plus hardcore et j’allais dans les fonds énergétiques. À l’époque, il y avait une crise avec la guerre en Irak et les côtes boursières allaient super bien. Ça m’a permis de payer mes frais de scolarité et mes livres avec les bénéfices des prêts que j’avais investis», affirme-t-il, fier de son coup. D’ailleurs, il n’a pas hésité à retenter l’exploit avec ses bourses du Millénaire.
Nul besoin de grosses sommes pour investir dans le NASDAQ de New York ou le TSX 500 de Toronto. Selon le professeur d’économie Steven Ambler, être un requin de la finance est à la portée de nombreux étudiants, malgré leur situation financière souvent précaire. «Pour financer leurs études, la plupart des étudiants empruntent. Mais c’est possible d’investir s’ils ont la chance d’avoir un très bon emploi d’été qui leur fournit un revenu conséquent. »
Pour Mathieu, la Bourse, c’est comme jouer au poker. «Ça va prendre un ou deux ans d’entraînement pour bien comprendre tous les calculs et, ensuite, tu vas éventuellement faire de l’argent.» Mais les dés sont loins d’être jetés. «Tu peux perdre énormément, mais tu peux aussi gagner», souligne-t-il. Un risque dont se dit conscient Nicolas, même s’il évoque que «la bourse au fond, c’est un peu comme un jeu».
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