Espaces vides pour cerveaux pleins

Le pavillon des Sciences biologiques bientôt rentable 

Hanté par ses mauvais souvenirs d’insuccès immobiliers, le pavillon des Sciences biologiques de l’UQAM s’exorcise tranquillement de ses démons. Lentement mais sûrement, des entreprises de recherches et développement y élisent domicile et établissent des partenariats avec des professeurs.
Au cinquième étage du pavillon des Sciences biologiques de l’UQAM (pavillon SB), les ouvriers meublent les nouveaux locaux de Revision Eyewear, une entreprise canadienne spécialisée dans les lunettes de protection pour militaires. Dans les pièces environnantes, quelques chercheurs en sarrau blanc regardent au travers de leur microscope. Après quelques années, les laboratoires autrefois désertiques grouillent aujourd’hui d’activité.  

Huit entreprises privées sont actuellement présentes au pavillon SB, longtemps demeuré vide après son inauguration en 2005. «À l’époque, les entreprises biotechnologiques visées par le projet étaient dans un creux au niveau du financement», se rappelle Alain Milette, directeur du bureau des transactions immobilières de l’UQAM. 

À l’origine, la location de cinq étages sur onze de laboratoires à des entreprises bio-technologiques et pharmaceutiques devait financer en partie l’érection du pavillon. Cet édifice à l’architecture audacieuse et certifié LEED fait partie du Complexe des sciences, situé au métro Place-des-Arts. Les dépassements de coûts de la construction de ce dernier ont contribué au fiasco immobilier et au déficit financier que l’Université traîne présentement comme un boulet. «Aujourd’hui, les espaces locatifs contribuent à payer une partie des 150 millions qu’il nous reste à débourser pour le projet immobilier», souligne la vice-rectrice aux affaires administratives et financières de l’UQAM, Monique Goyette.
Déménagement imminent

Dans son rapport déposé en 2007, le vérificateur général avait vertement critiqué le projet. Il déplorait la création de locaux commerciaux sur un campus universitaire qui manquait – et manque toujours – d’espaces voués à l’enseignement.

Depuis les tentatives ratées de location, les affaires ont repris du poil de la bête. La majeure partie des cinquième, sixième et huitième étages de la bâtisse est présentement occupée par des entreprises. Toutefois, malgré la demande, l’équipe de Monique Goyette a choisi de conserver le quatrième étage pour pallier au manque de locaux académiques.

Le recteur Claude Corbo a annoncé le 23 novembre dernier un investissement de 2,8 millions de dollars a cet effet. Le département de kinanthropologie, actuellement logé au pavillon de l’Éducation, va déménager à l’étage réservé. Les travaux d’aménagement seront financés par les gouvernements fédéral et provincial, dans la foulé du plan de relance économique du Canada. 

Seul le septième étage reste orphelin pour le moment. Il sera probablement reconverti pour l’enseignement lui aussi, selon le plan directeur immobilier de l’Université, attendu pour avril prochain.
L’UQAM, promoteur immobilier?
L’Université ne s’éloigne-t-elle pas de sa vocation première d’enseignement et de recherche en accueillant des entreprises au sein de son campus? Au contraire, pense la directrice du service des immeubles et de l’équipement, Christine Pouliot. «L’idée derrière le projet des espaces locatifs est la création de liens entre les chercheurs, les professeurs, les étudiants et les compagnies. Ces collaborations dynamisent l’aspect académique et rattachent la recherche à une activité économique plus large.» Cependant, aucune grille d’évaluation n’existe pour la sélection des entreprises. Ainsi, certaines n’emploient ni professeurs, ni étudiants de l’UQAM, se contentant des locaux et du matériel.

C’est le cas de l’entreprise Alethia Biotherapeutics dont les recherches portent sur des anticorps capables de stopper la progression des cancers. «Être au sein du campus nous fait épargner beaucoup de frais, explique le vice-president, Mario Filion. Par exemple, nous partageons l’utilisation d’un « microscope confocal » avec l’Université, un équipement d’une valeur d’environ un million de dollars permettant d’observer des objets minuscules recomposés en trois dimension par ordinateur.»

Toutefois, grâce au projet, certains professeurs bénéficient de contrats de recherche. Corealis Pharma, qui met au point des ingrédients actifs destinés au domaine pharmaceutique, subventionne actuellement les recherches de deux professeurs du département de chimie. «La collaboration avec les chercheurs universitaires est précieuse, affirme son président, Yves Roy. Nous signerions des ententes même si nous n’étions pas entre les murs de l’UQAM. D’ailleurs, nous collaborons également avec des professeurs de l’Université de Montréal.»

Les travaux du professeur en biochimie Mircea A. Mateescu, sur la diffusion des médicaments dans l’organisme, bénéficient présentement du soutien de l’entreprise. «La collaboration avec les entreprises est excellente pour les étudiants. Ils s’accoutument à la recherche en entreprise, avec des objectifs pratiques et se font connaître par leurs découvertes, facilitant leur passage vers le marché du travail.»

Seule ombre au tableau: les contrats alléchants offerts par les entreprises pourraient orienter la recherche universitaire vers les besoins du marché. Le professeur reconnaît qu’il y a un risque de voir la recherche appliquée, à visée commerciale, prendre le pas sur la recherche fondamentale, qui permet l’avancement des connaissances.

Après avoir touché le fond, le pavillon des sciences biologiques occupe désormais les têtes d’affiche. L’édifice jouera les vedettes dans Trauma, la nouvelle télé-série de Fabienne Larouche. L’été dernier, Gilbert Sicotte et Isabelle Richer ont parcouru les couloirs du pavillon, stéthoscope au cou.

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