Une PME montréalaise au volant d’une petite révolution

Photo Jean-François Hamelin - René Quimper, l'homme derrière Virage Simulation, croit que l'avenir de sa création se trouve du côté des écoles de conduite. Il est ici au volant de l'un de ses simulateurs.

 

En 2007, plus de 600 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route au Québec. Encore une fois, les jeunes de 15 à 24 ans trônaient au sommet de ce triste bilan. Bonne nouvelle, l’inventivité de la PME Virage Simulation pourrait bien changer la donne.

Sur la rue Notre-Dame à Thetford Mines, un jeune homme d’à peine 16 ans appuie dangereusement sur l’accélérateur de son véhicule. C’est la deuxième fois seulement qu’il prend le volant, mais il en mène large. L’aiguille rouge de l’odomètre passe de 90 à 100 km/h. Assis quelques centimètres plus loin, un professeur de conduite observe le conducteur amorcer un changement de voie risqué, mais s’abstient de freiner pour lui. Après tout, on apprend de ses erreurs.

Ce genre de témérité est plus fréquente dans la région depuis que l’École de conduite Frontenac s’est procurée un simulateur automobile à la fine pointe de la technologie. «En général, les jeunes n’aiment pas se faire dire quoi faire», explique Pascal Néron, propriétaire de l’établissement. «Avec le simulateur, on peut les laisser expérimenter par eux-mêmes et prendre des risques.»

Ce simulateur, le seul jamais conçu au Canada, n’est ni le produit de l’Agence spatiale canadienne, ni celui de Bombardier. C’est plutôt Virage Simulation, une petite PME montréalaise, qui a développé l’engin dans un local étroit du chemin de la Côte-de-Liesse.

Rémi Quimper, l’homme derrière Virage Simulation, est persuadé que son produit a tout ce qu’il faut pour rivaliser avec ses quelques compétiteurs américains et européens. «Ce qui se fait présentement ailleurs, c’est des simulateurs automobiles vraiment de base, qui développent l’habileté de conduire. Nous, on va beaucoup plus loin que ça, en intégrant tous les éléments qui font partie de la conduite, de la vérification des angles morts jusqu’à l’anticipation des risques.»

Le quadragénaire prend plaisir à faire découvrir sa création, un simulateur haut de six pieds qui comprend tous les éléments intérieurs d’une voiture ordinaire, ceinture de sécurité et coffre à gant inclus. Surplombé par trois larges écrans formant une vue avant de 180 degrés, l’appareil reproduit de façon étonnante les sensations liées à la conduite automobile. Grâce à une plate-forme de mouvements, il imite l’effet des accélérations et les vibrations des pneus en fonction du type de route, des conditions météorologiques choisies et de la vitesse de la voiture.

De l’idée à l’action
Rémi Quimper s’est intéressé pour la première fois aux simulateurs de conduite automobile lorsqu’il travaillait chez le géant de l’aéronautique CAE. L’ingénieur dirigeait alors une équipe chargée de développer des produits destinés à la formation des pilotes. En fouillant du côté des véhicules routiers, il a constaté que les appareils existants étaient très peu avancés et excessivement dispendieux.à

En mettant à profit la puissance des ordinateurs modernes et les progrès réalisés sur les cartes graphiques, Virage Simulation a mis au point un simulateur dont le prix s’apparente au coût d’achat et d’entretien d’une voiture haut de gamme.

Malgré cet exploit, l’entreprise, qui a fêté ses trois ans en septembre, vient tout juste d’atteindre le seuil de la rentabilité. Une situation fréquente chez les entreprises technologiques, selon Alain Robitaille, coordonnateur du Centre local de développement Centre-Ouest. «Ce type d’entreprise encourt davantage de risques financiers lors de leur démarrage parce qu’elles font du développement sans aucune assurance que le produit final trouvera preneur.»

Si le produit a attiré l’attention de nombreux centres de recherche, le public cible de Virage Simulation se trouve du côté des écoles de conduite. Il existe environ 1 500 entreprises du genre au pays et des milliers d’autres aux États-Unis. Au Québec seulement, on en dénombre plus de 400. Aucune d’elles ne possédaient de simulateur lorsque Rémi Quimper et ses partenaires ont procédé à une étude de marché en septembre 2005.


Des routes plus sécuritaires?

Pour conquérir ce vaste réseau, le président de Virage Simulation a vite compris qu’il devait aller chercher le soutien des instances en sécurité routière. Rapidement, CAA Québec et la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) se sont montrés réceptifs à l’idée. Depuis le printemps dernier, la SAAQ autorise l’utilisation du simulateur pour six des douze heures de formation pratique.

«Compte tenu des résultats obtenus avec l’apprentissage en simulateur dans d’autres domaines, nous pensons que ce pourrait être une solution d’avenir», affirme Lyne Vézina, directrice des études et des stratégies en sécurité routière à la SAAQ. C’est pour vérifier ces prétentions que l’organisme a mis sur pied un projet-pilote, en collaboration avec Virage Simulation et HEC Montréal. L’étude permettra d’évaluer les gains qui découlent de l’utilisation d’un simulateur, notamment chez les jeunes conducteurs, une clientèle surreprésentée dans les accidents de la route.

Pascal Néron constate ces avantages pratiquement tous les jours depuis qu’il a fait l’acquisition d’un simulateur en avril dernier. Le propriétaire de l’École de conduite Frontenac est convaincu qu’investir dans un simulateur, c’est investir dans un réseau routier plus sécuritaire. C’est avec cet argument en poche que l’entrepreneur a convaincu une trentaine de commerçants locaux de contribuer financièrement à l’achat de l’imposante machine.
«C’est juste un outil, mais quand il est bien utilisé, il fait des petits miracles», s’enthousiasme l’homme d’une trentaine d’années. « Après avoir travaillé en simulateur, un élève qui exécute un premier changement de voie sur la route est souvent meilleur qu’un jeune qui est à son dernier cours de conduite.»

Tout comme Pascal Néron, Rémi Quimper est convaincu que le simulateur deviendra un élément clé de l’apprentissage de la conduite. «Son plus grand avantage, c’est qu’il procure un environnement contrôlé. Au lieu de mettre l’élève en situation de survie, on lui apprend chaque point étape par étape, en augmentant peu à peu le niveau de difficulté».

D’ici cinq ans, l’homme d’affaires rêve de voir sa création dans chacune des écoles de conduite du Québec. Un rêve qui pourrait bien devenir réalité. Avec le projet-pilote, la SAAQ étudie la possibilité d’employer des simulateurs lors des examens d’obtention du permis et de favoriser leur usage dans les cours de conduite obligatoires, de retour dès l’an prochain.

Le président de Virage Simulation reste tout de même prudent. «Quand on a eu des fins de mois difficiles, on gère l’argent avec beaucoup de soin. On veut s’assurer qu’on ne sera pas dans une situation financière difficile si on veut faire un pas en avant.»

Ce pas, Virage Simulation l’a fait cet automne en louant un nouveau local qui lui permet d’assembler plusieurs simulateurs à la fois. La PME, qui compte aujourd’hui 12 employés, vient tout juste de signer un contrat avec le Centre de formation en transport de Charlesbourg pour son nouveau simulateur de camion. Avec des ventes en Norvège, en Grèce et au Canada, Virage Simulation semble en route vers le succès. Reste à savoir si le Québec prendra le virage de la simulation.

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