L’UQAM c’est brun, pas vert

Bilan de la politique environnementale

Quatre ans après l’adoption d’une politique environnementale par l’Université, les projets écologiques fleurissent sur le campus. Ils ont cependant peu d’écho auprès des uqamiens et de l’administration. L’homo-uqamus est-il prêt à faire le grand saut de l’évolution verte?

 

Dans les aires d'alimentation, des détritus périssables sont toujours mélangés aux matières recyclables. Contaminées, ces dernières prennent alors le chemin des vidanges - photo Jean-François Hamelin

 

À la cafétéria, quatre bacs: le plastique, le verre et le carton sous les deux affiches jaunes, les déchets sous l’affiche noire et les canettes sous la grise. Un jeu d’enfant. Pourtant, dans les aires d’alimentation, des détritus périssables sont toujours mélangés au plastique, au carton et au verre, selon le technicien en administration et gestion des matières récupérables, Jean-Martin Venne.

 

«Dans l’ensemble de l’Université, la récupération fonctionne très bien. Quand on tombe dans les sections alimentaires, c’est problématique. Les gens sont pressés et jettent leur cabaret n’importe comment.»

 

Un seul gobelet de café suffit à contaminer tout un sac de recyclage, explique le technicien. «On entrepose les matières récupérables pendant une semaine. Quand il y a des aliments périssables, ça pourrit et ça attire les mouches. Pour leur sécurité, nos employés ne peuvent pas fouiller là-dedans.» Les sacs contaminés prennent alors le chemin de la poubelle.

Lorsque l’UQAM a commencé la récupération en 2005, la Ville de Montréal a averti l’Université qu’elle ne prendrait pas ses matières récupérables en mauvais état. Le service de récupération a donc redoublé d’efforts pour trouver des installations dont l’ergonomie facilite la récupération. «Il faut que ce soit simple et automatique», affirme Jean-Martin Venne.

L’arrivée des «gloutons», au début de la session, est peut-être la solution qu’attendait le technicien en administration. Les trois bacs bleus avec des ouvertures de formes différentes pour le papier, le verre et le plastique permettent de déterminer en un seul coup d’œil où vont chacune des matières. Les nouveaux bacs ne sont toutefois pas suffisants, croit Jean-Martin Venne. «Il faut éduquer les étudiants et les employés afin qu’ils prennent le temps de poser le bon geste.»

 

Pas de billets verts

Les problèmes de récupération ne sont cependant que l’une des nombreuses difficultés auxquelles l’UQAM est confrontée afin de verdir son campus.  Afin de déterminer les grandes lignes de son virage écologique, l’Université s’est dotée, en janvier 2004, d’une politique environnementale. Celle-ci regroupe entre autres la gestion des matières résiduelles, l’économie d’énergie et l’éducation en matière d’environnement. Le Comité environnemental de l’UQAM, qui veille à l’application de la politique, peine toutefois à réaliser ses projets, faute d’argent.

Pour l’instant, la conseillère en environnement de l’UQAM, Cynthia Philippe, doit se contenter d’un budget annuel de 75 000 dollars pour appliquer le plan d’action du Comité et soutenir les projets des étudiants. C’est bien moins que les autres universités de la métropole. McGill dispose de 200 000$ pour financer sa politique énergétique grâce à une hausse de ses tarifs de stationnement. Concordia a augmenté de un pourcent les frais de scolarité des étudiants pour obtenir 150 000$ annuellement, alors que l’Université de Montréal a récemment mis sur pied un fonds vert dont l’objectif est d’amasser 300 000$ en deux ans.

 

«L’UQAM n’a pas les moyens de sa volonté, affirme Normand Brunet, représentant sortant de l’Institut des sciences de l’environnement au Comité environnemental. Le niveau de financement est le même depuis le début. Il y a eu la création du poste de Cynthia Philippe, un poste à temps plein en environnement. Ça a été un gain important, mais elle ne peut pas faire le travail toute seule. On souhaite la mise en place d’une équipe.»

Le Comité compte sur l’implantation d’un fonds vert pour financer ses projets. Ce fonds lui permettrait d’accumuler, par la sollicitation des étudiants ou du secteur privé, l’argent nécessaire pour concrétiser ses ambitions. «Cela nous permettrait de partir des projets de plus grande envergure», explique Cynthia Philippe.

À l’hiver 2008, le Comité environnemental a proposé une journée d’études aux associations étudiantes pour discuter de l’implantation du fonds vert. L’appel est toutefois demeuré sans réponse. «Ça n’a pas marché, déplore la conseillère en environnement de l’Université. C’est à peine si les présidents des associations étudiantes me rappelaient.» Elle suppose que les représentants étudiants étaient trop absorbés à l’époque par la grève entourant le plan de redressement de l’UQAM.

Les membres du Comité s’attristent du manque d’intérêt des représentants étudiants. «C’est surprenant de voir à quel point c’est difficile de sensibiliser les gens. C’est décevant dans un milieu universitaire», regrette Normand Brunet. Cynthia Philippe reste cependant positive et refuse de voir l’UQAM à la remorque des autres universités. «Avant, il n’y avait rien à part la récupération du papier. Entre 2004 et 2008, on en a fait des choses.» Depuis le développement de la politique environnementale, de nombreux projets novateurs ont vu le jour, dont le service de réparation de vélos, Vélogik, le compostage et les jardins sur les toits, une initiative pour laquelle le Groupe de recherche et d’intérêt public (GRIP) a remporté le prix environnemental du gala Forces Avenir. Selon Cynthia Phillippe, qui a bien d’autres idées en tête pour verdir le campus, «sky is the limit».

Défier l’administration

De nombreux groupes étudiants, dont le GRIP et le Comité environnemental de l’Association étudiante du secteur des sciences (AESS), s’impliquent également dans le tournant écologique de l’Université. Pour ceux-ci, l’administration de l’UQAM is the limit.

«Pleins de bénévoles sont prêts à travailler, mais avec l’administration, ça peut être compliqué», affirme le coordonateur général de l’AESS, Alexis Laferrière. Le représentant étudiant cite en exemple les jardins du campus des sciences qui ont été aménagés clandestinement durant l’été 2007. Ce n’est que des mois plus tard que l’administration a finalement reconnu et approuvé l’effort des étudiants.

Le GRIP se butte aussi à la résistance des instances universitaires. Dernièrement, le groupe a négocié avec les services alimentaires du Complexe des sciences pour qu’ils utilisent de la vaisselle réutilisable. La lourdeur bureaucratique l’a cependant freiné dans son élan. «Ce sont des questions d’assurances, de normes d’hygiène et d’espace, explique le coordonateur du GRIP et représentant étudiant au comité environnemental, Jean-Philippe Vermette. La volonté de changement n’est pas là.»

Normand Brunet partage la frustration du groupe étudiant. «C’est un lent processus évolutif qui nécessite beaucoup d’efforts. Heureusement, les initiatives étudiantes font bouger les choses. La faculté des sciences a mis en branle les projets de compostage et de jardinage. S’ils avaient dû attendre la permission de l’administration, ce ne serait pas encore fait.»

Malgré tout, aucun de ceux qui luttent pour un environnement plus sain n’est prêt à baisser les bras devant l’ampleur de la tâche à accomplir. «Il faut comprendre que l’environnement, c’est lent», explique Jean-Philippe Vermette.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *