Un nouveau programme d’éducation à la sexualité qui ne fait pas l’unanimité

Le rapport de recherche Une éducation à la sexualité positive, inclusive et émancipatrice critique et propose des solutions au projet pilote national d’éducation à la sexualité mis sur pied par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

Présenté à l’automne 2015 et mis en application à la rentrée 2018, le nouveau programme d’éducation sexuelle propose des cours obligatoires d’éducation à la sexualité aux élèves du primaire et du secondaire. Le programme comporte d’ailleurs des cours sur la confiance en soi, les relations saines, la santé sexuelle et reproductive, les stéréotypes de genre, les violences sexuelles, le consentement et la diversité.

Un rapport de recherche a été rédigé pour mieux connaître les besoins des jeunes face à la sexualité et pour influencer les pouvoirs publics. Lancé le 27 septembre dernier, le rapport Une éducation à la sexualité positive, inclusive et émancipatrice provient d’une collaboration entre la Fédération du planning des naissances du Québec (FQPN) et des chercheuses de l’UQAM. L’étude est basée sur des propos de 1179 jeunes, recueillis dans 27 textes scientifiques.

Des critiques face au programme

Malgré l’approbation globale du projet, plusieurs acteurs du milieu ont noté certaines lacunes, dont l’absence de collaboration de la part du gouvernement libéral. « On a tout d’abord été surpris par la constitution à huis clos du ministère. Ils n’ont pas demandé l’avis de personnes du terrain, groupes communautaires ou sexologues et professionnels de la santé du milieu », explique la co-chercheuse de l’étude et professeure au Département de science politique de l’UQAM Geneviève Pagé.  

Pour Vincent Dessalles, étudiant au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire à l’UQAM, le nouveau programme manque de lignes directrices. « Je comprends que vous voulez que je parle de la transitude, mais je dis quoi pour ne froisser personne ? », se questionne-t-il.  

L’étudiant mentionne qu’il y a peu de cours sur la façon d’enseigner cette matière. « La Commission scolaire de Montréal (CSDM) offre des formations gratuites, par contre, ce n’est pas inclus dans nos heures de travail, dit-il. Plusieurs professeurs ont leur semaine dans le corps et n’ont pas l’énergie d’y aller un vendredi soir. » La CSDM offre toutefois des capsules vidéos explicatives, non obligatoires, dédiées aux enseignants pour les informer et pour les présenter en classe, s’ils le souhaitent.

Vincent Dessalles mentionne également qu’il n’a pas été informé à l’université de ce nouveau programme. « Je ne l’ai su qu’à une réunion dans une école où je faisais de la suppléance, et elle n’a duré que vingt minutes », ajoute-t-il.

Le manque de diversité

« Le programme est encore centré sur une norme dominante jouissant de privilèges », selon la doctorante en sexologie et co-chercheuse de l’étude Julie Descheneaux. Pour elle, il rendrait invisibles les personnes issues de minorités de genres telles que les personnes trans, intersexuées, handicapées et asexuelles.

Elle mentionne aussi que les principaux concernés sont oubliés du projet, de son développement à son implantation. « Les jeunes sont mis à l’écart. Pourtant, ils, elles, et ielles ont quelque chose à nous dire. Est-ce qu’on est prêt à les entendre ? », explique Mme Descheneaux.

Les chercheuses croient que le programme ne prend également pas en compte des contextes politiques, sociaux et économiques des jeunes dans leurs relations interpersonnelles. « La sexualité est quelque chose qui nous met en relation avec d’autres individus. Ces relations sont traversées par des axes d’oppression et d’inégalité et c’est à prendre en compte », selon la co-chercheuse de l’étude Magaly Pirotte.

La sexualité positive

La recherche a démontré l’importance de la collaboration entre les jeunes et les concepteurs d’éducation sexuelle. Selon Magaly Pirotte, l’éducation à la sexualité est souvent faite en prévention de conséquences sexuelles négatives chez les jeunes. « On présente souvent la sexualité comme étant dangereuse, mais on ne dit pas c’est quoi une sexualité qui est le fun », ajoute-t-elle.

Un propos utilisé dans l’un des textes analysés dans le rapport a marqué la chercheuse. « Je ne savais même pas ce qu’était un orgasme. Personne ne m’a dit qu’il y avait un côté plaisant à ça ou qu’on pouvait en avoir un », témoigne une jeune fille dans Une éducation à la sexualité positive, inclusive et émancipatrice.

Ce discours a mis en lumière une réalité peu connue et pourtant essentielle. « Quand on s’engage sexuellement, c’est parce qu’on a du désir et qu’on cherche du plaisir », explique Mme Pirotte.

Pour aider les écoles, la FQPN et les ateliers Sex URL ont créé Pour en savoir plus sur les sexualités, un jeu de cartes pédagogique. Cet outil permettrait d’aborder avec facilité des thèmes moins abordés en classe comme la pornographie, la masturbation ou la première fois. Il comporte des questions ouvertes, des vrais ou faux ou des choix de réponse. Selon Estelle Cazelais, des ateliers Sex URL, le jeu peut être utilisé lors de débats en classe ou pour créer un dialogue. « Une seule carte peut engager une discussion de deux heures, ça engage des conversations », explique-t-elle.

photo: LILA MAITRE MONTRÉAL CAMPUS

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