Dimanche Napalm : un poignant éloge du silence

Avec sa pièce Dimanche Napalm, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Sébastien David montre avec brio toutes les nuances d’une communication sans voix. Avec ses personnages en quête de vérité et sa mise en scène subtile, mais percutante, il réussit le dur pari de faire crier un premier rôle muet au théâtre.

Nous sommes en 2012, le printemps érable est terminé, les casseroles sont bien rangées dans la cuisine et leur bruit n’est plus qu’un souvenir. Dans sa chambre, le Fils, seul, écoute et regarde. Derrière lui, une grande fenêtre brisée. Pas un sourire, pas un son. Dimanche silence.

La pièce débute à 20 h. L’expérience commence dès qu’on gagne son siège. L’éclairage est tamisé. On pénètre dans un autre univers. Des haut-parleurs invisibles diffusent de basses fréquences, il fait noir, l’ambiance est lourde. Sur la scène, un garçon qui contemple le vide, immobile dans son fauteuil roulant.

C’est la discipline exceptionnelle et le talent d’Alex Bergeron qui donnent à la pièce de Sébastien David toute ses nuances et sa beauté. L’effet poignant et profond du mutisme de ce personnage rend impossible quelque dérive que ce soit. L’acteur y parvient de façon brillante ; son silence envoûtant transporte le spectateur et lui permet de se demander : « et moi, qu’est-ce que j’aurais dit ? »

Autour de lui gravite sa famille qui tente futilement d’interrompre son silence. Les comédiens n’échangeront jamais entre eux ; un peu à l’image de la famille nucléaire moderne, les membres de cette famille 2.0 n’arrivent pas à se parler.

Chaque personnage devient un archétype auquel n’importe qui peut s’identifier. On a l’impression de faire partie de la pièce, mais de façon individuelle. On retrouve le Père maladroit (Henri Chassé), qui désire renouer avec son fils ; la Mère inquiète, au bout du rouleau, qui chérit son enfant de l’amour le plus profond ; la Sœur (Geneviève Schmidt) désespérée, seule et meurtrie qui ne comprend point le monde qui l’entoure ; l’Ex-copine (Cynthia Wu Maheux) qui revient en rampant et s’impose parmi les souvenirs. Finalement, la Grand-mère (Louison Danis) oubliée de tous, qui semble être le miroir de la solitude du Fils.

Avec un texte réglé au quart de tour, le jeune metteur en scène réussit à faire pleurer, à faire rire et à terrifier le public en l’espace d’une réplique. L’ultime monologue de la Mère, interprétée par Sylvie Léonard, est un excellent exemple de la puissance du texte.

Les personnages échangent avec le Fils monologue après monologue. Bien qu’ils s’adressent à un muet, l’ambiance, la mise en scène et le jeu parfait d’Alex Bergeron donnent l’impression d’une conversation à deux voix.

Il parvient à communiquer ses émotions à travers son non verbal plutôt que la parole, un défi difficile qu’il a habilement surmonté. Une pièce à voir, mais plus particulièrement à entendre. Parfois, le silence ne doit pas avoir de fin.

5/5

Photo: VALÉRIE REMISE 

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