L’obstineuse

Geneviève Tardy a cultivé sa patience et récupéré des preuves avant de faire le procès du gouvernement libéral en ligne. Recyclée dans la machine étatique, sa fibre militante est avant tout écologique.

Geneviève L’obstineuse marche calmement en direction du restaurant Zéro8,sur Saint-Denis, après sa journée de travail. La jeune femme de 34 ans respire le calme, tout le contraire de ses échanges musclés sur les médias sociaux au printemps dernier. La créatrice du site liberaux.net et militante web a renoué avec ses anciens amours, la politique et l’environnement.

Lors de la crise étudiante, la jeune consultante en environnement s’est abonnée à des «groupes de droite» sur Facebook pour débattre à propos du conflit étudiant et du gouvernement libéral. Fatiguée de toujours répéter les mêmes arguments, elle a publié un texte sur son compte résumant les «aberrations» commises par le Parti libéral. La publication est devenue virale. «Les gens se sont appropriés mon article. L’idée de faire un site web à partir de l’article ne venait même pas de moi», indique sans prétention Geneviève Tardy. C’est un ex-candidat du Parti québécois et propriétaire d’une entreprise web, Pierre-Philippe Émond, qui lui a offert d’héberger gratuitement son site en avril dernier. Elle était loin de se douter que son site web allait faire mouche.

Libéraux.net, dans un travail d’archivage en ligne, relève de gestes «aberrants» du Parti libéral durant ses neuf années au pouvoir. Le site est même devenu une référence pour certains.«Des fois,quand j’écoute une entrevue, je me rends compte que les chiffres viennent probablement directement du site»,affirme Geneviève Tardy. Le visage de celle qui a consacré jusqu’à80 heures par semaine à la conception de son site s’illumine lorsqu’elle en parle. «La Coalition avenir Québec mentionnait souvent le site dans leurs discours. Finalement, il n’y a que les libéraux qui ne l’utilisaient pas», ajoute-t-elle.

Motivée par bien plus qu’un changement de gouvernement, la militante affirme avoir été inspirée par l’éveil citoyen lors du conflit étudiant. «Les citoyens sont à l’affût des gestes des politiciens maintenant», laisse tomber celle qui a été engagée par le Parti québécois après les élections. Sans être certaine des effets concrets de libéraux.net, la jeune femme sait que ses efforts n’ont pas été vains. «On ne saura jamais concrètement l’impact qu’a eu le site, même si je sais que ça a convaincu quelques libéraux de voter pour un autre parti», certifie-t-elle, visiblement comblée.

Le pouce vert

Sa passion pour l’environnement ne date pas d’hier. À neuf ans, L’obstineuse entreprend de dépolluer le fleuve St-Laurent à sa manière. Papier de toilette, condoms et tampons sont ramassés à l’aide d’un plat de plastique pour ensuite être jetés à la poubelle. La petite Geneviève pleurait lorsqu’un insecte était tué ou qu’un arbre était coupé. Mère dès l’âge de 17 ans, puis à 22 ans, elle décide de faire elle-même son compost, ses cannages et ses purées pour bébé. «Ça ramène le goût à la terre aussi avoir des enfants», roucoule celle qui se décrit comme «granole». À 33 ans, après un retour aux études, elle possède une maîtrise en environnement et une entreprise de consultation, VoyElles environnement. Combinant sa passion pour l’environnement et la politique, Geneviève est maintenant conseillère en développement durable au ministère de l’Environnement. «C’est lors de l’une des soirées au Zéro8 qu’une dame m’a été présentée, qui elle, m’a introduite à Daniel Breton, avant les élections», explique l’employée du Parti québécois. Co-fondateur du Parti vert du Québec, Daniel Breton a autant l’environnement à cœur qu’elle. «Ça a cliqué tout de suite», se rappelle celle qui a ensuite commencé à militer pour l’ex-ministre de l’Environnement bénévolement. Après les élections, la jeune femme reçoit un coup de fil qui lui propose un emploi au ministère.

Le militantisme de L’obstineuse n’a pas pâli au contact de la bureaucratie ministérielle. «Au ministère, je sens que je fais une différence. On règle des dossiers qui traînent pour des citoyens.». Elle conseille d’ailleurs aux jeunes de s’impliquer en politique municipale. «Bien que la plupart des lois soient votées au provincial, c’est au municipal qu’elles sont appliquées», fait remarquer celle qui jadis prenait part à la politique municipale dans son village natal de Lanoraie. Un projet de construction de condo en bordure du fleuve a d’ailleurs été bloqué grâce à son implication.

«J’ai été emportée dans une gigantesque vague, c’était un concours de circonstances», constate Geneviève Tardy, confortablement installée sur une banquette du Zéro8. Le lieu a été témoin de l’histoire de la femme qui pense maintenant à l’éventualité d’une carrière en politique. «Il faut que je réfléchisse à si c’est le type de vie que je veux avoir. C’est du sept jours sur sept!» C’est pourtant du sept jours sur sept être obstineuse, aussi!

Photo: Jean-François Hamelin

 

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