Free blues, but no free booze

 

Photo Julien Houde

Toutes les nuits, il sillonne les rues de Montréal avec son harmonica pour égayer ses clients parfois fatigués, parfois éméchés. Pour Taxi Bluesman, la vie est un parcours semé d’embûches qui se paie quelques sous le kilomètre.


Son volant bien en main, son harmonica dans l’autre, Michel Grandmont, aussi connu sous le surnom de Taxi Bluesman, est un drôle de spécimen de la vie nocturne montréalaise. De prime abord, il ressemble à un beau-frère sympathique avec sa casquette, sa chemise à carreaux, son imposante moustache et sa tendance à se perdre dans son soliloque. À côté de sa ceinture de sécurité, le moustachu garde une grande bouteille d’eau et cinq petites boîtes avec des autocollants de différentes lettres: des harmonicas de plusieurs tonalités qui serviront pour un spectacle intime de fin de soirée. «Ça ne me déconcentre pas de jouer de l’harmonica en conduisant, parce que je suis synchronisé. J’ai eu un training par moi-même, mais je ne conseille pas ça à personne parce qu’on n’est pas supposé le faire. Mais si on me faisait faire un road test, je ferais la même affaire avec l’harmonica», explique Michel Grandmont.
Après s’être convenablement présenté aux clients qui ne savent pas encore ce qui les attend, Taxi Bluesman est prêt à se lancer dans un sprint vocal entrecoupé de riffs d’harmonica. «I’m the Taxi Bluesman, I sing the blues. You know, I got nothing to loose, that’s what I choose. You learn from the blues, get better news, you get free blues but no free booze, cause I don’t drink and drive, don’t need to smoke and fly, became a natural high, not because I haven’t before, cause I went to the first stone, but not anymore cause I’m out of the door. I come over with some good humor, encourage people, have a good service for not driving on alcohol.», chante-t-il, délaissant le volant pour l’harmonica en plein centre-ville.

 

Genèse d’un animal nocturne
Depuis déjà 30 ans, Taxi Bluesman conduit son bolide. D’un rire jaune, il déclare même qu’il finira probablement «ses jours dans son taxi». Michel Grandmont a embrassé la carrière de chauffeur de taxi en 1976. Quelques années après le début de sa carrière, en pleine procédure de divorce, il commence à jouer du blues afin de ne pas céder à l’abattement. Comme sa musique l’a aidé dans les moments les plus sombres de sa vie, il espère qu’il en sera de même pour sa clientèle. «Ça rend les gens plus heureux et c’est très rare qu’on m’empêche de jouer. C’est arrivé deux fois dans toute ma carrière. J’aime ça encourager du monde triste. Mon blues is good news, comprends-tu ce que je veux dire? Avec de la philosophie, des rimes, de l’humour, de l’harmonie, toutes ces choses-là», insiste-t-il.
Une fois la discussion entamée, Taxi Bluesman commence à s’emballer. De la défaite de Montcalm sur les plaines d’Abraham au rôle historique du clergé québécois, de la possibilité d’une Troisième Guerre mondiale jusqu’aux pilules pour le foie: ses idées fendent l’air dans tous les sens. Le tout prend la forme de tirades mi-anglaises, mi-françaises qu’il lance aux clients stupéfaits.
«J’suis bilingue parce que je suis allé à l’école anglaise, explique-t-il. Dans les années 1960, ils voulaient que je me convertisse parce que je ne suis pas catholique. Sous la loi britannique, je pouvais garder ma croyance. Une chance qu’ils ont passé des lois pour que je puisse la garder.» La croyance à laquelle il réfère, c’est celle de la Mission de l’Esprit Saint, une secte fondée en 1915 par un ex-policier de la ville de Montréal, Eugène Richer, dit Laflèche. Les membres de cette secte sont convaincus qu’Eugène Richer était la troisième manifestation personnelle de Dieu, Jéhovah et Jésus-Christ étant les deux premières. «C’est pour moi la plus belle croyance. J’en n’ai pas, d’ennemis, se réjouit Michel Grandmont. Le vrai amour c’est de partager, pas de vendre des affaires pour détruire. Si on avait compris correctement le message de Jésus-Christ et qu’on l’avait enseigné, y’en n’aurait plus de guerres. C’est sûr qu’il y aurait des cleanups à faire dans les villes pour la criminalité. Si les familles appliquent ça et mettent ça en pratique avec l’aide du Manitou, le grand Créateur, ils vont produire une meilleure race mondialement.» Précisons que cette pensée eugéniste, le Taxi Bluesman la doit en grande partie à la Mission de l’Esprit Saint, dont les préceptes ont pour but d’améliorer la race humaine en contrôlant directement l’environnement des mères enceintes.

 

Une nouvelle carrière?
Pour l’instant, Taxi Bluesman n’a pas l’intention de suivre la voie des Eric Clapton, John Mayall et Muddy Waters. Il préfère partager «de bons sentiments avec le public» plutôt que de former un band et de se produire en spectacle. Malgré cela, il n’écarte pas la possibilité de jouer au Festival International de Jazz si l’occasion se présente. «Because one day, if it’s gonna happen, it’s gonna happen, conclut-il en entamant un dernier blues. As long as you got the potential. I don’t mind being known. But if the fame gets your brain then it can become a big shame. And I don’t want that kind of thing to happen. I go for the good spirit.»

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