Avec le retour du vinyle dans les habitudes des consommateurs et des consommatrices, les disquaires indépendants de Montréal sont adulés par le public. Cependant, cette autonomie leur procure autant d’avantages uniques que de défis de grande taille, tels que la concurrence de pouvoir d’achat et d’accessibilité économique des chaînes non spécialisées.
« Le disquaire indépendant offre une expérience de consommation qui est complètement différente de celle d’un grand magasin. Il connaît les disques, la musique et les équipements », explique le professeur titulaire à HEC Montréal et expert en marketing de la musique Danilo Correa Dantas. Il ajoute que des liens de confiance se créent entre les vendeurs et vendeuses et la clientèle mélomane, rendant l’expérience d’autant plus unique.
« Nous, les disquaires indépendants, c’est l’amour de la musique qui fait en sorte qu’on vend de la musique. Ce n’est pas la même vision [que les chaînes non spécialisées] », atteste le propriétaire du disquaire indépendant L’Oblique Luc Bérard.
Pour certain(e)s client(e)s régulier(e)s des disquaires indépendants, les chaînes non spécialisées comme Urban Outfitters et Archambault sont une solution de dernier recours pour trouver une copie physique d’une œuvre musicale. « Souvent, [quand j’achète dans des chaînes non spécialisées,] c’est plus un achat impulsif qu’un achat réfléchi », affirme Félix Huot, client régulier des disquaires indépendants.
Danilo Correa Dantas explique également que les chaînes non spécialisées peuvent parfois être une porte d’entrée vers l’univers des vinyles.
« Des gens qui n’ont pas de vinyles, ils voient ça chez Urban Outfitters. Ils peuvent trouver que c’est cool, ils vont acheter une première table tournante et leurs premiers disques », dit-il.
Ces chaînes ont cependant un plus grand pouvoir d’achat, leur permettant de vendre leurs produits moins chers, ce qui affecte les disquaires indépendants. Patrick Chartier, directeur de la logistique du disquaire indépendant Aux 33 Tours, explique que les disquaires indépendants ne peuvent pas se permettre de telles décisions.
« On n’est pas en mesure, parfois, d’avoir les meilleurs tarifs sur certains albums, comparé à quelqu’un qui en commande 5 000 », explique-t-il.
L’accessibilité économique des produits vendus dans les grandes chaînes accroît leur popularité. « Malheureusement, beaucoup de gens sont attirés par les rabais et ne comprennent pas que, lentement mais sûrement, acheter sur Amazon, ça tue tous les petits commerces locaux », se désole le copropriétaire du café-disquaire 180g café Christophe Bundock De Muri.
Une liberté rassembleuse
Plusieurs disquaires indépendants ont le choix de se spécialiser ou non. Notamment, Aux 33 Tours vend des produits usagés, une décision qui est devenue une des forces du commerce, selon Patrick Chartier.
« Notre centre d’intérêt est vraiment axé sur le format de médias musicaux, comme les disques, les CD, les albums en vinyle et les cassettes. C’est sûr qu’on a une certaine liberté de faire un peu ce qu’on veut », ajoute-t-il.
D’autres options, comme le 180g café, voient le jour et fonctionnent auprès du public. « Le fait d’être un café, un restaurant, puis de servir de l’alcool, ça nous permet d’arrondir les fins de mois tant que l’industrie du disque n’est pas trop payante », explique Christophe Bundock De Muri.
Quand l’indépendance rejoint la musique
L’amplitude de possibilité d’achat attire les mélomanes montréalais(es) aux disquaires indépendants, notamment grâce à la musique québécoise mise en valeur chez ceux-ci. Une caractéristique que plusieurs chaînes non spécialisées ne détiennent pas.
« D’avoir dans les disquaires une section québécoise, pas juste francophone, ça prouve qu’on a encore cette passion de garder notre culture », témoigne Félix Huot.
Luc Bérard explique qu’auparavant, L’Oblique vendait seulement des disques indépendants et alternatifs. Encore aujourd’hui, même si sa sélection est plus diversifiée, plusieurs client(e)s achètent exclusivement des disques québécois par désir d’encourager les artistes d’ici.
« La musique canadienne-anglaise ressemble beaucoup à la musique américaine. Tandis que la musique indépendante d’ici, surtout si elle est chantée en français, elle se distingue et elle va toucher une clientèle qui est spécifique au Québec », atteste-t-il.
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