Étudiant(e)s autochtonesDes services « insuffisants » 

L’UQAM est l’université montréalaise qui en fait le moins en matière d’engagement envers ses étudiant(e)s autochtones, pense le coordonnateur du Cercle des Premières Nations de l’UQAM (CPNUQAM), Gustavo Zamora Jiménez. L’université aurait encore du travail à faire pour rattraper McGill et Concordia.

« Les efforts ne sont pas nécessairement mis à l’UQAM », croit Loryane Fontaine, étudiante en enseignement et employée au NISKA, centre dédié aux étudiant(e)s autochtones.

En 2017, le rapport Expériences, politiques et pratiques d’intégration des étudiant.es autochtones recommandait à l’UQAM d’optimiser les services offerts à ces derniers. Depuis, l’université a mis en place des initiatives pour répondre aux recommandations du rapport, notamment le NISKA. L’UQAM a aussi accueilli Joséphine Bacon, poétesse et conteuse innue, comme Aînée en résidence et chargée de cours, en 2023.

Toutefois, certains membres de la communauté uqamienne, comme Gustavo Zamora Jiménez, coordonnateur du CPNUQAM, estiment que ces mesures sont insuffisantes, surtout en comparaison à ce qui est offert aux universités McGill et Concordia.

Il déplore que le rapport, auquel il a contribué, ne chiffre pas le plan d’action. Il critique aussi que personne n’ait été engagé depuis 2017 pour le mettre en place.

Le rapport recommandait de « développer des cours adaptés aux réalités autochtones ». Bien que des cours aient été créés, l’étudiante innue membre de la communauté Matimekush-Lac John déplore que la plupart de ces cours abordent les enjeux, de l’actualité ou de l’histoire autochtone pour une perspective allochtone.

Philippe Bélanger-Landry, étudiant et employé au NISKA, apprécie les initiatives de l’UQAM, comme celles en lien avec Mme Bacon. Toutefois, il souligne qu’il ne faut pas que l’UQAM se dise « c’est bon, on a fait notre part vers la réconciliation » et que « ce sont les Autochtones qui vont s’occuper du reste ».

Quand on parle de réconciliation, selon M. Bélanger-Landry, Cri membre de la communauté Brunswick House en Ontario, l’important, c’est que ce soit quelque chose « qui se fasse ensemble, entre Autochtones et Allochtones ».

Selon M. Zamora Jiménez, les universités francophones sont sous-subventionnées par rapport aux universités anglophones, ce qui expliquerait en partie l’état actuel des services offerts aux étudiant(e)s autochtones à l’UQAM. 

L’importance d’un centre

Plus de 20 ans séparent la création du centre NISKA de l’UQAM des créations du Centre Otsenhákta de Concordia (1992) et de la First People House de McGill (1997).

La fréquentation du NISKA reste faible, malgré une légère croissance, en partie à cause de l’espace restreint et d’un manque de fenêtres, comme l’a constaté le Montréal Campus en octobre dernier. 

Lors d’une visite à Concordia, le Montréal Campus a observé le centre Otsenhákta. Il est beaucoup plus spacieux, lumineux, mais surtout, il est fréquenté. 

La First People House est un bâtiment, dont les deux étages supérieurs sont des dortoirs subventionnés, donc à prix réduit pour les étudiant(e)s autochtones de McGill.

Une question de volonté 

Les universités québécoises n’ont pas beaucoup d’étudiant(e)s autochtones si l’on compare aux universités d’autres provinces plus à l’ouest, d’après Manon Tremblay, directrice principale des directions autochtones à l’Université Concordia.

Elle pense que certaines universités québécoises hésitent à investir des sommes importantes dans des initiatives et ressources pour les étudiant(e)s autochtones, puisqu’ils et elles ne représentent qu’une très petite partie du nombre d’étudiant(e)s. « [Les universités] veulent avoir une population autochtone plus importante avant de se tremper les pieds dans l’eau », croit-elle.

« Ça devient plus difficile de justifier certaines activités qui peuvent coûter plus cher s’il n’y a pas beaucoup de personnes qui y participent », avance Philippe Bélanger-Landry. Selon lui, au contraire, un investissement serait bénéfique pour la visibilité du centre. Cela pourrait augmenter le taux de participation, à son avis.

Pour Mme Tremblay, Crie de la Nation de Muskeg Lake, c’est une question de philosophie. « Une fois que toute la maison est bâtie, on va avoir des acheteurs », illustre-t-elle. 

Le superviseur administratif de la First People House de McGill, Matthew Coutu-Moya,, arbore la même mentalité. Les universités devraient surmonter leur crainte d’investir dans un espace plus spacieux et accueillant, où les étudiant(e)s ont réellement envie d’aller, selon lui.

« Si vous le construisez, ils viendront. »

Matthew Coutu-Moya

Il serait également avantageux pour les universités francophones de proposer de « bons » services, d’après M. Coutu-Moya. « Ces universités ont une véritable opportunité d’accueillir un grand nombre d’étudiant(e)s [francophones] que McGill n’attire peut-être pas. »

Être à l’écoute 

« Ce n’est pas comme si McGill avait toutes les réponses. Ce n’est pas comme si McGill pouvait régler le colonialisme ou le racisme », dit M. Coutu-Moya.

Selon lui, il est crucial de reconnaître que certains changements de politiques à McGill sont les résultats des demandes des communautés autochtones, qui militent elles-mêmes pour leurs besoins. « Nous savons ce dont nous avons besoin, il suffit de nous aider à y parvenir », dit M. Coutu-Moya, qui est lui-même issu de la nation Métis de la Colombie-Britannique. 

L’écoute des peuples autochtones et la mise à disposition des ressources nécessaires sont des éléments clés pour établir des stratégies optimales de réconciliation et d’engagement envers les étudiant(e)s et les communautés autochtones, d’après M. Coutu-Moya.

Manque de ressources humaines

Plusieurs universités souhaitent que les initiatives pour les étudiant(e)s autochtones soient dirigées par des personnes qui le sont. Cette double qualification, autochtone et qui possède les qualifications nécessaires pour les tâches, réduit le bassin de candidat(e)s, déjà limité par la pénurie de main-d’œuvre.

Le principal obstacle au développement est le manque de ressources humaines, selon Manon Tremblay. « On a besoin de plus de monde pour faire avancer les choses », affirme-t-elle. 

Matthew Coutu-Moya raconte qu’il a fallu presque un an avant de trouver quelqu’un pour remplacer une de ses collègues. « On ne veut pas simplement quelqu’un qui est là pour faire de l’administration », explique-t-il. « Cette personne doit aussi contribuer à rendre First People House accueillante et être prête à socialiser avec les étudiants et à créer des liens avec eux. »

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