Demandes anticipées d’aide médicale à mourirPlanifier son envol

Les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM) seront acceptées à partir du 30 octobre au Québec. Les patient(e)s ayant reçu un diagnostic de maladie dégénérative menant à l’inaptitude pourront désormais consentir d’avance à recevoir l’AMM. Les expert(e)s sont toutefois divisé(e)s autour de la question.

 « Pour avoir vu mon grand-père demander l’AMM [l’été dernier], je pense que la décision aurait été extrêmement difficile à prendre, mais j’aurais probablement accepté d’être son tiers de confiance s’il me l’avait demandé », affirme Julianne Tremblay, étudiante en ergothérapie à la faculté de médecine de l’Université Laval. Le tiers de confiance est le proche désigné pour intervenir lorsque la maladie atteint les critères mentionnés dans la demande anticipée du patient ou de la patiente.  À son avis, c’est un moyen incroyable pour une personne souffrante de terminer sa vie aussi confortablement qu’elle l’entend.

« C’est quelque chose de beau »

 Julianne a vécu le décès de son grand-père par AMM pendant l’été. Celui-ci, alors atteint d’un cancer des poumons, a choisi l’AMM pour mettre fin à ses souffrances. Sa petite fille affirme avoir été profondément marquée par ce moment.

« Fait de cette façon-là, je pense que c’est la plus belle manière de partir, même si connaître la date de son départ, c’était assez bizarre à vivre »

Julianne Tremblay

Dans son domaine d’études, l’AMM est souvent un sujet de discussion et d’étude de cas, surtout avec la loi qui entrera bientôt en vigueur. « Une maladie dégénérative, c’est pas juste l’Alzheimer, ça peut aussi être la sclérose en plaques, par exemple. Quelqu’un avec cette maladie pourrait ne plus être capable de parler, mais sa capacité cognitive n’est pas affectée pour autant », dit Julianne. Cette nouvelle est particulièrement positive pour les patient(e)s souffrant de différentes maladies qui ne s’attaquent pas nécessairement aux capacités cognitives, selon elle. 

Elle ajoute que « dans un cas comme ça, la personne souffre et voudrait demander l’AMM, mais ne peux physiquement pas, même si elle est encore lucide ».          

Décider d’avance 

« L’avantage de la demande anticipée […]  c’est de dire, j’ai mon diagnostic, ça va bien,  […] mais je ne veux pas aller jusqu’au bout de la maladie qui va m’amener dans une déchéance effrayante », selon le Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien et président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD). Il ajoute que c’est un soulagement pour la population québécoise qui demandait la mise en place de ce service depuis de nombreuses années. 

Il explique que l’AMM  oblige présentement les patient(e)s atteint(e)s de maladies dégénératives telles que l’Alzheimer à choisir une fin précoce, puisqu’ils ou elles sont contraint(e)s d’être pleinement lucides pour que leur consentement soit valide aux yeux de la loi. Or, il leur reste parfois des mois, voire des années de qualité de vie considérable avant d’être emporté(e)s par la maladie. 

« Il ou elle va pouvoir obtenir l’AMM à un moment qu’il ou elle aura décidé, selon les étapes de l’évolution de sa maladie qu’il ou elle ne souhaite pas dépasser lorsqu’il ou elle a rédigé la demande », se réjouit le Dr L’Espérance. 

 Vaut mieux prévenir que guérir

« Il n’y a pas beaucoup de pays qui l’offrent et ça, ça devrait nous allumer », dit Nicole Poirier, directrice et fondatrice de Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer, « on est comme allé dans la fatalité, comme si on a abandonné de régler les autres problèmes alentour. »

L’annonce du gouvernement Legault laisse toutefois certain(e)s professionnel(le)s sceptiques. Mme Poirier s’inquiète de la façon d’évaluer les patient(e)s: « Il faut qu’il y ait de la souffrance. Donner la mort à quelqu’un qui ne souffre pas, c’est extrêmement dur. »  

Elle souligne que le problème majeur des demandes anticipées d’AMM est que la douleur n’est pas quantifiable, donc impossible à prouver hors de tout doute. « On était nombreux à dire qu’un critère nécessaire, ça devrait être de pouvoir mesurer la souffrance [d’un(e) patient(e) avant de lui donner accès à l’AMM] », dit-elle.

À son avis, il manque d’études réalisées à ce sujet et de ressources pour accompagner les proches après l’éventuel décès d’un proche par demande anticipée d’AMM. « Ce n’est pas un cadeau à faire à ses enfants, ça. Moi, je ne voudrais pas qu’ils vivent avec cette culpabilité-là. » Elle affirme que de graves conséquences psychologiques peuvent affecter les proches si aucun service n’est disponible pour les accompagner dans le processus. Elle soutient qu’une approche qui vise à soulager toutes les personnes impliquées dans la demande gagnerait à être envisagée. 

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