Déconstruire le mythe du « bac en ballons »

Les futur(e)s enseignant(e)s d’éducation physique de l’UQAM souhaitent se départir d’une réputation qui teinte leur programme : celle du « bac en ballons ». Sur le marché du travail, ces pédagogues cherchent une reconnaissance et une valorisation à la hauteur de leurs efforts, pour le bien des élèves.

« Se faire dire “bac en ballons”, ça fait quand même mal. On fait un baccalauréat de quatre ans comme tous les autres professeurs, mais on n’est pas pris au sérieux », déplore Vincent Carpentier, étudiant au baccalauréat d’intervention en activité physique, profil enseignement de l’éducation physique et à la santé (EPS) de l’UQAM. « C’est exactement la raison pour laquelle on fait un baccalauréat de quatre ans : pour ne pas enseigner le ballon-chasseur. »

L’expression « bac en ballons » suggère que le programme universitaire d’EPS serait facile et apprendrait seulement à animer des activités dans un gymnase. Hugo Beausoleil, professeur associé au Département des sciences de l’activité physique de l’UQAM, explique que cette réputation est causée par la confusion entre la forme et le fond du programme.

« S’ils passent devant le gymnase, ils nous voient jouer au ballon, mais ce qu’on fait réellement, c’est apprendre les tâches d’apprentissage qu’on doit donner aux jeunes. C’est en le vivant qu’on peut mieux l’enseigner. »

Au Québec, le programme d’EPS englobe trois compétences interreliées à développer : agir et interagir dans divers contextes de pratiques d’activités physiques ainsi qu’adopter un mode de vie sain et actif. Cette formule permet au personnel enseignant de s’adapter à sa clientèle, son environnement et ses ressources.

« Valoriser les bons profs »

Un(e) enseignant(e) peut donc choisir la manière d’augmenter l’éventail d’actions motrices chez l’élève. « Puisque c’est tellement libre comme matière, c’est facile de ne rien faire et personne ne va venir vérifier la qualité de ton enseignement », constate David Latendresse, enseignant au primaire en éducation physique depuis 2016.

À l’opposé se trouve une majorité de professeurs qui font preuve de créativité, amenant les jeunes à essayer une diversité d’activités physiques. Martin*, un conseiller pédagogique en EPS dans un Centre de services scolaire (CSS) du Grand Montréal, indique cependant qu’il n’y a actuellement « aucun mécanisme pour valoriser les bons profs » au sein des CSS. « La seule chose qui fait une différence c’est l’ancienneté. »

« L’éducation physique n’est pas une priorité. »

Martin, conseiller pédagogique en EPS

Patrick Daigle, chargé de cours au baccalauréat d’intervention en activité physique, profil EPS à l’UQAM, se sert de la mauvaise réputation du programme comme levier pour inciter ses étudiant(e)s à faire des cours à l’extérieur, à être créatifs et créatives et à sortir de leur zone de confort. « Il y a un enjeu qui est réel. Il y a des profs qui agissent comme des animateurs de camp de vacances, qui sifflent et lancent un ballon pour faire courir les enfants, et qui ne viseront pas nécessairement le développement qu’on attend chez l’élève », dénonce-t-il.

Une importance méconnue

Les périodes d’activité physique ne servent pas qu’à faire bouger les jeunes. « C’est à peu près le seul endroit où l’enfant va développer son répertoire moteur, ses habiletés sociales, sa confiance en soi, son sentiment de compétence, tout ça devant les autres » ,explique Claudia Verret, directrice du programme de baccalauréat d’intervention en activité physique de l’UQAM. « Ce sont plusieurs apprentissages qui ne se retrouvent pas dans sa note, mais qui font partie des apprentissages importants de la vie. »

Selon Claudia Verret, « il n’y a pas assez de périodes d’éducation physique ». Du même avis, Hugo Beausoleil estime que les élèves n’ont qu’un minimum de 40 heures d’éducation physique dans une année scolaire. « Valoriser l’éducation physique coûte cher, parce que ça prend des gymnases, et les gymnases sont saturés actuellement », dit-il.

Quant à eux et elles, les professeur(e)s d’éducation physique demandent davantage de périodes d’installations et de main-d’œuvre.

Malgré tout, David Latendresse constate une certaine volonté politique de prôner l’activité physique par des mesures qui incitent les écoles à réaliser des projets sportifs en dehors des périodes allouées.

Depuis 2021, le ministère de l’Éducation assigne un budget de 80 millions par année exclusivement réservé au « soutien additionnel à la consolidation des apprentissages et à l’engagement scolaire », ce qui inclut des activités parascolaires sportives, artistiques et académiques.

M. Beausoleil reste optimiste. « Aujourd’hui, je vois une grande progression, autant dans l’opinion publique que chez les profs et chez nos étudiants : ils sont là pour la bonne cause. C’est par les jeunes que viendra la révolution. »

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