De nombreux membres du réseau scolaire ont été dénoncés cet été lors de la vague de dénonciation d’agressions à caractère sexuel qui a déferlé sur les réseaux sociaux. Ces témoignages de victimes ont soulevé de multiples questions quant à l’impact des mesures de prévention implantées à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) contre les violences sexuelles.
Malgré l’impact des mesures de prévention implantées dans les institutions d’enseignement supérieur, les violences demeurent. Une Canadienne sur dix affirme avoir été victime d’une agression sexuelle dans le contexte de ses études postsecondaires, selon une étude de Statistiques Canada menée en 2019. La solution passe par l’enseignement, pense la sexologue et coordonnatrice à la Chaire de recherches sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur (VSSMES), Laurie Fradette-Drouin. Elle estime que l’éducation à la sexualité est un droit individuel auquel tout le monde devrait avoir accès.
Initié dans les années 1980, le programme d’éducation sexuelle pour les jeunes du primaire et du secondaire est peu adapté à l’époque. Celui-ci a été retravaillé par le gouvernement du Québec et rétabli de manière obligatoire en 2018. Malgré qu’elle reconnaisse l’importance des cours d’éducation à la sexualité, Mme Fradette-Drouin remarque qu’employer cette méthode d’intervention dans un cadre universitaire engendrerait des défis administratifs dus aux parcours différents des étudiants et des étudiantes.
Une application compliquée à l’université
Dans les universités, la politique 42 sur le respect des personnes, la prévention et l’intervention en matière de harcèlement a été adoptée en 2005. Depuis juin 2019, la mise en vigueur de la loi 16 oblige chacune des institutions à se doter d’une politique pour combattre les agressions à caractère sexuel. Au début de l’automne 2020, une capsule de sensibilisation diffusée sur le web à l’attention de la communauté uqamienne réitérait que ces deux politiques « s’appliquent même dans un contexte de télétravail et d’études à distance ».
L’UQAM présente une stratégie annuelle de formation pensée par le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement et le Comité permanent contre le sexisme et les violences à caractère sexuel. « La stratégie élaborée prévoit notamment une campagne de sensibilisation, des activités de formation, des ateliers, des événements, et cetera », indique la directrice de relations de presse de l’Université, Jenny Desrochers. La banalisation des violences à caractère sexuel est le thème choisi pour cette année. « Une capsule vidéo à l’intention de l’ensemble des membres de notre communauté sera lancée dès janvier 2021 et portera sur ce thème », ajoute-t-elle.
En 2019, dix établissements du réseau de l’Université du Québec ont mis en place une formation annuelle obligatoire, à l’instar du contenu développé par l’Université Concordia qui permet de démystifier les situations d’inconduites à caractère sexuel. Toutefois, cette initiative ne semble pas suffisante pour tous et toutes : « Des mentalités, ça ne se change pas en forçant des gens à suivre une formation qu’ils peuvent bâcler ; ça prend du temps [et] des discussions ouvertes », remarque la directrice de la clinique juridique SALVAS (Service d’aide légale pour victimes d’abus sexuels), Ophélie Boisvert.
S’éduquer en collectivité
Catherine Rousseau a rédigé son mémoire de maîtrise sur les violences à caractère sexuel en milieu universitaire. Elle prévient que « [cette forme de violence] est une problématique complexe qui ne peut se résumer qu’à un manquement dans l’éducation à la sexualité. » Elle dénote toutefois que ce manque d’éducation spécifique est « une entrave importante à la prévention de la violence sexuelle. »
Considérant que le harcèlement et les agressions sexuelles surviennent aussi à l’extérieur du cadre scolaire, la présidente de l’Union étudiante du Québec, Jade Marcil, mentionne que « l’éducation sexuelle [dans le cadre scolaire] n’est pas le seul moyen à entreprendre [pour combattre ces violences]. » La sensibilisation de l’ensemble de la population est, selon elle, aussi importante pour l’avancement de la lutte contre les violences sexuelles. Ophélie Boisvert croit d’ailleurs que cela passe par « l’entourage [qui] a une grande influence sur le comportement, sur la normalisation ou la sensibilisation ».
Sensibiliser pour apprendre
« On a réalisé que beaucoup de travail de “réparation” pouvait être évité en faisant de la prévention par l’éducation », témoigne Mme Boisvert. La coordonnatrice à la Chaire VSSMES, Mme Fradette-Drouin, rappelle que les méthodes de préventions, qu’elles soient appliquées dans un cadre scolaire ou non, doivent accroître leur efficacité : elles doivent notamment être globales, adaptées, multiples et diversifiées.
« On ne peut pas demander à l’UQAM de compenser pour 20 ans de lacunes en éducation sexuelle, mais on peut demander à l’UQAM de se positionner davantage comme acteur de changement plus proactif, un agent de sensibilisation », estime la directrice de la clinique SALVAS.
Jade Marcil en appelle à la créativité des établissements pour rejoindre leur communauté et faire de la prévention, surtout depuis la pandémie. Que ce soit des affiches, des formations, des forums de discussion, des cours consacrés à l’éducation sexuelle ou des campagnes sur les réseaux sociaux, les institutions peuvent agir pour faire partie de ce changement de mentalité collectif dans les établissements scolaires postsecondaires.
Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.
Mention photo : Lila Maitre | Montréal Campus
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