Ce texte est paru dans l’édition papier du 4 décembre 2019
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Aujourd’hui, vous tenez entre vos mains la première édition du Montréal Campus qui ne comporte aucune publicité, hormis quelques publicités maison. En 40 ans d’existence, c’est une première pour notre journal. Bien que certaines éditions précédentes aient été moins rentables que d’autres, le coup sera probablement plus dur qu’il ne l’a jamais été, parce que nous sommes dépendants de cette source de revenus.
L’industrie des médias écrits se porte mal depuis que ceux-ci se butent, entre autres, au détournement des revenus publicitaires au profit des géants du Web.
Cet été, leurs cris du cœur ont été entendus par le gouvernement québécois, lors de la commission parlementaire sur l’avenir des médias. Des mesures d’aide totalisant 50 millions de dollars déployées d’ici 2023-2024 ont été annoncées alors qu’on assiste actuellement à une chute des revenus publicitaires.
Ce soutien financier, qui n’est qu’un petit pansement sur une plaie qui saigne abondamment, pourrait temporairement soulager les artisans et artisanes de l’information. Une seule ombre au tableau : il ne s’applique pas aux journaux étudiants. Pourtant, à l’instar des médias traditionnels, ils peinent à garder leur tête hors de l’eau alors que leur situation financière, déjà précaire, ne cesse de s’effriter.
Dans les bouleversements actuels, il faut prendre le temps de réfléchir à l’importance de financer ces médias étudiants. Bien que certains d’entre eux reçoivent plus d’argent que le Montréal Campus, il ne faut pas négliger l’aide financière qu’il serait nécessaire de leur apporter.
Comment une équipe composée d’une dizaine de personnes, bénévoles dans le cas du Montréal Campus, qui portent une charge de travail parfois étouffante en la conciliant avec leurs cours ainsi qu’un travail à temps partiel, peut assurer la pérennité du journal ?
Survivre à la tempête
À défaut de ne pas avoir trouvé une solution miracle, notre média a récemment lancé une campagne de financement afin d’amasser un montant de 2500 $, qui lui permettrait de respirer un brin dans les prochaines années. Et, contrairement à la plupart des médias étudiants, le Montréal Campus ne reçoit aucune cotisation prélevée à même la facture des étudiants et des étudiantes de l’UQAM.
Alors, pourquoi ne pas abandonner le papier ? Parce que le Montréal Campus, comme tous les journaux étudiants, carbure à la rigueur, à la fougue et à la détermination des journalistes qui portent ce travail sur leurs épaules. Des journalistes qui ne sont évidemment pas rémunéré(e)s, mais qui tiennent coûte que coûte à acquérir une expérience sérieuse avant de faire leur entrée sur le marché du travail.
La beauté des journaux étudiants réside dans les personnes qui y œuvrent, car ce sont de ces modestes médias que certains et certaines des meilleur(e)s journalistes de la province émergeront. Pensez à vos journalistes ou chroniqueurs et chroniqueuses préféré(e)s. Croyez-vous qu’ils et elles sont arrivé(e)s sur le marché du travail sans avoir d’expérience ? Ce sont eux et elles qui ont bâti la réputation de nos journaux étudiants.
Brian Myles, Noémi Mercier, Raphaël Bouvier-Auclair, Alec Castonguay, Isabelle Hachey, Catherine Lévesque, Vincent Larin, pour n’en nommer que quelques-uns et quelques-unes, ont façonné à leur manière l’histoire et la réputation du Montréal Campus, avant de devenir les journalistes influent(e)s d’aujourd’hui.
Les journalistes ont appris à critiquer la politique uqamienne avant de critiquer la politique québécoise ou canadienne. Ils et elles ont appris à critiquer le film de fin d’année de finissants et finissantes en cinéma avant de critiquer les plus grand(e)s réalisateurs et réalisatrices d’aujourd’hui.
Les médias étudiants sont le laboratoire de formation des journalistes de demain. C’est là où ils et elles font leurs premières armes, vivent leurs premiers échecs et leurs premières controverses médiatiques. C’est là où ils et elles apprennent l’essence même du métier.
Adaptation constante
Il est décourageant de prendre conscience de la difficulté à prouver la pertinence d’un tel média à l’UQAM. Pourtant, imaginez une université sans journal étudiant, sans information indépendante. Le journalisme étudiant est indissociable de la démocratie universitaire, car il permet de remettre en question les actions de l’administration et d’informer la communauté étudiante.
Or, le Montréal Campus n’est pas pas exempt de l’insécurité économique qui afflige actuellement les médias québécois. À l’automne 2018, le journal a pris la décision de réduire ses éditions papier de quatre à deux par année pour compléter un virage numérique et pour réaliser une refonte entière du site Web, ce qui lui a permis de pallier la perte de revenus publicitaires du papier.
Malgré les heures bénévoles et les subventions, les artisans et artisanes du journal n’y arrivent plus. Ils et elles sont épuisé(e)s.
D’année en année, une part considérable des sujets à couvrir tombe dans l’oubli, faute de collaborateurs ou de collaboratrices. Le temps nécessaire pour peaufiner les textes et conserver une approche pédagogique se fait de plus en plus rare.
Les journaux étudiants sont aux premières loges des luttes sociales, mais leur structure financière n’est plus adaptée aux exigences de rendement qu’on leur demande.
C’est une instabilité qui n’a pas lieu d’être, car ces organisations font partie intégrante d’une vie universitaire dynamique.
Le Montréal Campus est une école. Et cette école pourrait bien courir à sa perte si elle ne trouve pas de meilleurs moyens de se financer d’ici quelques années. La seule université québécoise qui offrirait un baccalauréat en journalisme en français sans journal étudiant ? C’est une réalité qui sonne faux.
Illustration | Florie Marleau
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