À l’aube de la 30e commémoration de la tuerie survenue à l’École Polytechnique, l’événement Une marche, deux parcours : à la mémoire des femmes de Polytechnique a réuni samedi après-midi des dizaines de Montréalaises et de Montréalais arborant un macaron orné de 14 roses blanches en l’honneur des jeunes femmes assassinées dans l’attentat antiféministe du 6 décembre 1989.
Le rassemblement, organisé par des professeures de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’Université de Montréal (UdeM), a commencé vers 12h30 au seuil de l’œuvre interactive OXO Beatgender. Exposée au Centre Never Apart dans le quartier Mile-Ex, première halte d’une série de huit, elle met en scène cinq femmes dont les inventions ont été attribuées à des hommes.
Il y a six mois, le comité organisateur s’est formé dans le but « d’utiliser cet événement, où on a imposé le silence aux femmes pour mettre en lumière d’autres endroits où des femmes ont existé, ont contribué à la société », explique l’organisatrice de la marche et professeure en histoire de l’art à l’UdeM, Ersy Contogouris. À travers des discours et des performances artistiques, l’hommage a souligné l’apport oublié ou méconnu de figures féminines dans les domaines de la science et des arts.
En fin d’après-midi, la cérémonie a mené le cortège sur le chemin Queen Mary vers la Place du 6-décembre-1989 dans l’arrondissement Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce. Cette dernière est aujourd’hui décorée d’un nouvel affichage, mentionnant le caractère antiféministe de la tuerie.
« Ce sont des femmes qui ont été condamnées parce qu’on a estimé qu’elles n’étaient pas à la bonne place », a rappelé la titulaire de la Chaire BMO en diversité et gouvernance à l’UdeM, Tania Saba, lors de son allocution au Pavillon Claire-McNicoll. Si elle se réjouit de l’évolution des discours, elle soutient toutefois que rien n’est acquis. Il aura fallu 30 ans pour graver ces mots lourds de sens dans la mémoire collective.
Devoir de mémoire
« Rappelons-nous enfin que l’acte de mémoire ne se limite pas à entretenir un souvenir, mais implique aussi de reprendre la parole au-delà de la peur, de l’incompréhension, de la culpabilité ou de la colère », explique l’organisatrice et professeure en histoire de l’art à l’UdeM, Louise Vigneault. À l’époque, la tuerie de Polytechnique a forcé les Québécois et les Québécoises à prendre conscience des inégalités entre les sexes qui rongeait la société. « [La population québécoise] qui se percevait jusqu’à ce jour comme ouverte, modérée et égalitaire a alors perdu son innocence », ajoute-t-elle.
L’escale s’est conclue par une performance de l’artiste Claudia Hurtubise dans l’allée centrale du mémorial Nef pour quatorze reines. « Près de 10 ans se sont écoulés entre ce sombre après-midi du 6 décembre 1989 et celui, plus lumineux, de ce matin du 6 décembre 1999, année où la place fût inaugurée », se souvient la sœur d’une victime Sylvie Haviernick. Les prénoms et les noms ont ainsi résonné à l’unisson en offrande aux 14 vies perdues.
Les participants et les participantes se sont finalement dirigé(e)s vers la Maison de la culture Côte-des-Neiges, où des collations et du vin les attendaient pour réchauffer leurs mains et leur cœur après presque quatre heures de marche.
Photo FLORIAN CRUZILLE MONTRÉAL CAMPUS
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