Près de 50 ans après la rédaction du rapport sur la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec, l’UQAM entame les célébrations. L’université souhaite relancer le débat sur la démocratisation de la culture, la Commission Rioux ayant joué un grand rôle à cet égard en intégrant l’enseignement des arts aux universités québécoises.
Avant la commission Rioux, la formation des artistes était morcelée dans différentes institutions de formation professionnelle, toutes privées. Cette dispersion avait tendance à diminuer la cohésion dans l’enseignement des arts dans la province, explique le professeur au Département de musique de l’UQAM, Vincent Bouchard-Valentine.
Louise Sicuro, présidente d’honneur du symposium sur les 50 ans du rapport Rioux et présidente de l’organisme Culture pour tous, soutient que l’impact le plus visible qui découle du rapport Rioux est la démocratisation de l’art se traduisant par l’émergence de créateurs québécois de grand talent, surtout dans les années 70 et 80.
Publié en 1969, le rapport Rioux résulte des manifestations étudiantes à l’École des Beaux-Arts de Montréal en 1966. Les étudiants revendiquaient des changements dans le système d’enseignement des arts. Le rapport Parent, faisant état de l’ensemble de la restructuration de l’enseignement au Québec, avait d’ailleurs été déposé cinq ans plus tôt, mais traitait peu des arts dans les institutions scolaires.
« L’enseignement des arts était en marge dans le système d’éducation à cette époque », explique le professeur au Département de science politique et ancien recteur de l’UQAM Claude Corbo.
« Il y avait des tensions et des problèmes à résoudre dans l’enseignement des arts qui avaient été bien identifiés par la commission [Rioux]. Mais, quand le rapport a été déposé, les programmes d’études en enseignement des arts avaient déjà été rédigés, mentionne M. Bouchard-Valentine. Il a donc fallu attendre une dizaine d’années pour que les effets se fassent vraiment sentir. »
Préconiser l’unification
L’une des propositions fondamentales du rapport Rioux est d’intégrer les arts aux universités afin que leur enseignement ne soit plus aussi divergent d’un établissement à un autre.
L’UQAM a d’ailleurs été la première université à mettre en oeuvre plusieurs des recommandations du rapport Rioux, comme l’instauration d’une Faculté des arts pour les personnes désirant poursuivre des études dans le système public.
« Le théâtre, la danse, les communications, les arts visuels et plastiques n’existaient pas dans les universités. L’UQAM a joué un rôle de pionnier à cet égard », souligne Claude Corbo, qui est aussi l’auteur du livre Art, éducation et société postindustrielle : le rapport Rioux et l’enseignement des arts au Québec.
L’importance de l’art contemporain, l’ouverture sur l’interdisciplinarité et l’idée que les artistes traduisent des réalités sociales sont toutes des réflexions ayant été bien documentées dans le rapport Rioux, observe M. Bouchard-Valentine. « Ce sont des choses qui ont beaucoup influencé la formation des artistes aujourd’hui, et qui permettent le développement de citoyens plus complets », précise-t-il.
« La commission visait à démocratiser l’accès à la culture artistique et à ne plus réserver l’art à une élite socioculturelle, mais la rendre accessible à tous », rappelle aussi M. Corbo.
Certaines recommandations n’ont jamais été appliquées, mais celles qui l’ont été, comme l’intégration des arts aux universités, l’intégration progressive de programmes d’arts dans les cégeps et le développement de l’éducation artistique au primaire et au secondaire, forment le système actuel d’enseignement des arts.
« Le fait que [les études soient] accessibles et publiques a donné envie aux gens de développer leur talent en art. Ça a permis l’éclosion d’un corpus d’oeuvres et d’artistes de grand talent, qui ont bénéficié de l’enseignement des universités », soutient Louise Sicuro.
Un avenir pour le rapport
Si le rapport Rioux est encore d’actualité, c’est parce qu’il était considéré comme avant-gardiste dans les années 70. « Il y avait une critique de la tradition en disant qu’on ne pouvait plus enseigner les arts comme avant, puisque les techniques évoluent et qu’on est dans un nouveau monde. En ce sens, on réfléchit aujourd’hui aux mêmes questions [face] au numérique [dans l’art] », soutient M. Bouchard-Valentine.
Le rapport propose un projet de société dans lequel les arts occuperaient un rôle fondamental et permettraient l’émancipation des individus. Or, ce projet n’est pas encore achevé, poursuit le professeur.
Le 20 avril prochain se tiendra un forum sur la réflexion de l’enseignement des arts au Québec. Partie intégrante des célébrations des 50 ans du rapport Rioux, l’activité réunira plus de 200 professeurs du domaine des arts.
À l’automne 2019, la Faculté des arts de l’UQAM produira une synthèse avec ses propres recommandations issues des activités et des débats qui seront tenus dans les prochains mois. « Si on fait bien ce travail, le rapport Rioux aura un impact pour encore plusieurs années », affirme Vincent Bouchard-Valentine.
photo : SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS
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