Dans le baccalauréat en sexologie à l’UQAM, seulement 29 hommes font partie des 482 étudiants inscrits à l’automne 2016. En raison du manque de présence masculine au sein du programme, ceux-ci se font offrir sur un plateau d’argent stages et emplois.
Si les femmes sont plus attirées par la profession, les hommes sexologues sont, quant à eux, très recherchés dans le domaine. Le professeur titulaire à l’UQAM et sexologue Philippe-Benoît Côté croit que les étudiants masculins bénéficient d’un accès plus facile à l’employabilité. « Lorsque j’étais à la recherche de travail, les patrons “tripaient” sur le fait que je sois un homme sexologue », raconte-t-il.
À qualités égales avec des collègues féminines, des étudiants masculins se sont vu offrir des stages de choix ou encore un accueil plus facile à la maîtrise, se rappelle la bachelière en sexologie et intervenante auprès des enfants Isabelle Laforest. « Habituellement, je dirais que ce genre de discrimination positive vise un désir de parité, mais dans ce cas-ci, ça brime des femmes tout aussi compétentes », tranche-t-elle.
Elle souligne que sur le marché du travail, ses confrères fraîchement diplômés ne tardent pas à voir leur agenda complètement chargé, tandis que ses consoeurs ont de la difficulté à se créer une clientèle. Une situation qu’elle juge frustrante, mais incontrôlable. « Il est vrai que les hommes qui admettent avoir besoin d’aide psychologique se tourneront la plupart du temps vers un sexologue masculin, à qui ils peuvent plus facilement s’identifier, admet-elle. Alors, il est normal que leur horaire soit saturé. »
Des qualités « féminines »
Pour Philippe-Benoît Côté, il y a une carence de « modèles masculins » pour les enfants dans les écoles. « Le manque d’hommes dans notre profession crée des impacts réels sur les rapports entre filles et garçons et sur l’éducation qui est donnée aux jeunes hommes », avance-t-il.
La sexologue Isabelle Laforest a dû adapter sa manière d’orienter les ateliers en fonction du sexe de ses groupes, car elle a toujours senti plus de proximité et de réceptivité auprès des filles que des garçons. « Avec elles, les questions fusent toutes seules et je dois mettre un terme aux ateliers, car nous pourrions continuer à discuter pendant des heures. Pour les garçons, je réussis à les rejoindre dans des activités plus interactives et dynamiques », avoue-t-elle.
Philippe-Benoît Côté émet l’hypothèse que le programme d’études en sexologie attire davantage de femmes à cause des stéréotypes de genre féminin. « Les métiers d’intervention d’aide, où les questions de l’intimité touchent des cordes sensibles chez le patient, nécessitent des qualités comme l’empathie et l’écoute, qui sont des attributs féminins traditionnels », explique-t-il.
Même son de cloche chez Isabelle Laforest, qui compare les métiers d’intervention d’aide au milieu de l’éducation, où une grande part des enseignants sont des femmes. « On dit souvent que le système scolaire réussit plus aux filles. Vue comme ça, une éducation par des femmes ne peut que résonner davantage chez les petites filles et moins chez les jeunes garçons. » Elle avance qu’un renforcement des stéréotypes de genres encouragé par la société à l’enfance validerait l’hypothèse de M. Côté. « Les petits garçons doivent être forts et les petites filles doivent être douces », explique-t-elle.
Lors des portes ouvertes de l’UQAM, Philippe-Benoît Côté a observé une plus grande présence masculine à son kiosque, en comparaison avec les années précédentes. « Les jeunes hommes sont conscients du manque d’éducation sexuelle actuellement au Québec et on espère que le programme attirera dans ses rangs de plus en plus d’hommes », souhaite-t-il.
Dans un contexte où l’éducation sexuelle est instaurée dans un milieu presque entièrement féminin, Isabelle Laforest rêve d’un monde idéal mixte où tous auraient une chance d’exercer la profession qui les passionne. « Le jour où les genres associés aux métiers seront moins tranchés et que leur accès sera plus égalitaire, il y aura plus d’hommes aux portes du Département de sexologie de l’UQAM », espère-t-elle.
illustration : MONTRÉAL CAMPUS
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