« En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité de faire preuve d’une conduite exemplaire. » J’ai les mots de Manon Massé en tête chaque fois que je vois des nouvelles relatives aux députés libéraux Pierre Paradis et Gerry Sklavounos.
On apprenait récemment qu’aucune accusation ne serait déposée contre M. Sklavounos, qui faisait l’objet d’allégations d’agressions sexuelles. Je ne mènerai pas ma propre enquête envers le député. La justice a parlé.
Je continue tout de même à ressentir un malaise par rapport à toute cette situation alors que plusieurs reportages ont révélé des comportements dégradants de la part de Gerry Sklavounos : harcèlement de jeunes employés, envoi de courriels sexistes et propositions insistantes. Le retour à l’Assemblée nationale de ce dernier me paraît inconcevable si en théorie un député doit s’engager à « l’amélioration des conditions sociales » au Québec.
Je ressens aussi un profond malaise à la lecture de la dernière lettre ouverte d’Alice Paquet, la jeune femme qui a dénoncé M. Sklavounos. Non pas un malaise par rapport à ses écrits, mais par rapport à ce qu’elle pointe du doigt.
« En somme, il nous faudrait être des “victimes parfaites” pour se faire entendre, soit des femmes irréprochables et en mesure de documenter à la minute près les détails de l’agression », dénonce-t-elle dans sa lettre, publiée le 3 février dernier dans Le Devoir.
Les victimes présumées qui en parlent ouvertement font preuve d’une dose de courage qui dépasse l’entendement, surtout en sachant que le processus judiciaire n’est pas garant d’un jugement favorable. C’est rarement le cas, en fait. Trois plaintes pour agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation.
J’ai de la difficulté à concevoir que celles qui font appel à la justice et qui ont le courage de dénoncer ces actes mentiraient ou ne posséderaient pas suffisamment de preuves dans une majorité aussi écrasante des cas.
Des experts juridiques et des groupes de défense des droits des femmes ont souligné que le verdict de non-culpabilité qu’a reçu l’ex-animateur de CBC Jian Gomeshi rappelle que les témoins doivent se plier à des standards irréalistes lorsqu’ils ont besoin de faire la preuve de ce qu’ils avancent. La société a beau essayer de condamner publiquement les agresseurs présumés, elle a besoin de changer ses idées préconçues.
« Une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique […], sans le consentement de la personne visée […], par une manipulation affective ou par du chantage », est-il écrit sur le site web du gouvernement du Québec.
On dédramatise souvent une agression à caractère sexuel lorsqu’elle n’occasionne pas de violences physiques. On devient plus suspicieux envers la victime quand on apprend que le consentement ne semble pas direct et annoncé bien avant le crime. Le consentement peut s’arrêter à tout moment et c’est dans les droits de la personne de changer d’avis en plein milieu de la relation sexuelle. Loin de moi l’idée de vouloir parler au nom des femmes. Je ne vivrai jamais leur réalité quotidienne et les souffrances qu’elles subissent, mais ces lacunes du système judiciaire méritent une attention particulière.
Laisser un commentaire