La nouvelle mouture de la Politique 16 contre le harcèlement sexuel à l’UQAM pourrait bien être déposée au cours de la session universitaire actuelle. C’est ce qu’a révélé au Montréal Campus Maude Rousseau, directrice du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH) de l’UQAM lors d’un entretien dans la foulée du dévoilement, lundi dernier, de l’enquête interuniversitaire Sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU).
« C’est quand même un défi [de rédiger une politique], remarque Mme Rousseau. On peut dire qu’on a coché des étapes, qu’on progresse et qu’ultimement, on va pouvoir déposer, idéalement cet hiver, notre nouvelle Politique 16. »
Rappelons qu’en novembre dernier, certaines actrices uqamiennes dénonçaient différentes failles de la Politique 16, dont les problèmes de confidentialité, le manque de clarté concernant les incidents qui se passaient hors campus et le manque de financement.
Depuis les incidents de ce que certains ont surnommé le «stickergate», à l’automne 2014, et dans la foulée du mouvement #agressionsnondénoncées, l’UQAM fait face à des pressions pour réformer cette politique. Au courant des deux dernières années, un comité s’est attelé à la tâche, mais a fait face à plusieurs embûches telles un changement de direction au BIPH ou encore une annulation de plusieurs réunions du comité l’hiver dernier.
Violences sexuelles
L’enquête ESSIMU porte sur les violences sexuelles en milieu universitaire. Selon les renseignements fournis en conférence de presse par les trois chercheuses de l’UQAM derrière l’enquête, 9284 personnes réparties dans six universités de la province, ont rempli le questionnaire en ligne l’hiver dernier. Les membres des communautés universitaires étaient invités à remplir ce questionnaire entre janvier et mai 2016. « En bref, les résultats d’ESSIMU viennent confirmer ce que nous savions sans pouvoir le documenter, affirme la professeure de science politique Geneviève Pagé, membre du comité de révision de la Politique 16. Ils nous seront utiles afin de justifier les transformations que nous voulons mettre de l’avant. »
« Avec les gens du comité de la Politique 16, on discute de la mise en place d’une ressource aidante à l’extérieur du campus, mais spécialisée pour la communauté de l’UQAM », explique Maude Rousseau. La directrice du BIPH explique que le comité en est à considérer l’option de calquer le modèle des C.A.L.A.C.S.*, c’est-à-dire d’implanter un centre affilié à l’Université, situé à l’extérieur du campus, auquel les personnes qui souhaiteraient dévoiler un incident pourraient se référer sans nécessairement devoir porter plainte. C’est le choix qu’a fait l’Université d’Ottawa il y a quelques années. « Ce serait une ressource externe, indépendante et neutre qui pourrait favoriser davantage de dévoilements et, ultimement, le dépôt de plaintes », mentionne-t-elle en jetant un coup d’oeil à la liste des recommandations de l’équipe ESSIMU sur son bureau.
L’équipe ESSIMU a aussi mentionné l’importance de multiplier les façons de dévoiler les expériences de violences sexuelles vécues, puisque neuf personnes sur dix ne les rapportent pas aux instances officielles des universités. « On voit que le signalement anonyme qui est permis dans plusieurs universités à travers le monde permet de monter un dossier puisque souvent, en ce qui concerne la violence sexuelle, il y a plusieurs études qui montrent le caractère récidiviste [des agresseurs] », explique la chercheuse et professeure à l’UQAM, Sandrine Ricci. Autrement dit, bien que cette méthode de dévoilement maintienne l’anonymat des victimes, elle permet néanmoins de voir si certains agresseurs allégués sont signalés à plusieurs reprises, ce qui pourrait aider à agir.
Si la directrice du BIPH peut comprendre que certaines personnes font preuve de méfiance vis-à-vis des canaux officiels, elle explique que le comité de la Politique 16 travaille « pour faire en sorte que tout ne se passe pas en toute impunité, tout en respectant les balises légales. »
« Pour l’équipe ESSIMU aujourd’hui, ce n’est pas une finalité. C’est juste une étape de plus, une étape marquante pour permettre une mobilisation et des actions dans les différentes universités québécoises », a déclaré la chercheuse principale, Manon Bergeron. Cette dernière a aussi mentionné que les membres n’en étaient qu’à la première phase de l’enquête. Pour la suite des choses, elles comptent analyser les quelque 2000 récits qu’elles ont reçus par l’entremise du questionnaire en ligne.
* Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel
Photo: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS
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